Alain Lesage, Directeur général du pôle de compétitivité GreenWin, est interviewé par CCImag’.
CCImag’ : Commençons par un mot de présentation de GreenWin…
A. L : «GreenWin est le dernier des 6 pôles de compétitivité créés par le Gouvernement wallon pour relancer l’économie régionale. Implanté à proximité de l’aéroport de Charleroi, le pôle date de 2010-2011, il occupe 12 personnes et dispose d’un budget annuel de 1,5 million €, provenant de subsides régionaux, des cotisations des membres et de diverses prestations de services. GreenWin regroupe actuellement 150 membres, dont 135 entreprises et 70% de PME. Les autres partenaires sont des universités, des centres de recherche et des centres de formation. Le pôle se définit comme un accélérateur d’innovation et il couvre le domaine de la chimie, des matériaux de construction et de l’environnement.»
CCImag’ : Ce que l’on désigne par économie verte ?
A. L : «Exactement. Dans ses domaines d’action, GreenWin vise des enjeux technologiques majeurs comme le stockage chimique d’énergie, la réduction des émissions de CO2, la construction durable, le traitement des déchets et leur recyclage en nouvelles matières premières.»
Soixante millions en trois ans
CCImag’ : Comment cela se passe-t-il concrètement ?
A. L : «Le pôle fonctionne par projets. Depuis sa création, 23 ont été labellisés par un jury international, 19 en recherche et développement et 4 en formation, pour un montant total de près de 70 millions €. Quand un projet est accepté, il est financé à environ 70% par des subsides régionaux, le solde étant apporté par les partenaires privés. Il faut au minimum 4 partenaires, 2 entreprises dont au moins une PME et 2 opérateurs de recherche, universités ou centres agréés.»
CCImag’ : Quel est votre rôle, au-delà de l’examen des projets ?
A. L : « Nous jouons les ‟entremetteurs ˮ! Nous aidons les auteurs de projets à trouver les partenaires : partenaires de recherche, partenaires industriels ou partenaires financiers. Grâce à notre réseau et notre connaissance du tissu d’entreprises, nous mettons les acteurs en relation avec les centres de recherches, les universités et les prestataires de services, y compris à l’étranger.»
CCImag’ : Il y a donc des collaborations internationales…
A. L : « Principalement européennes. Par exemple, le projet SCOT regroupe des sociétés privées, des centres de recherche et les autorités publiques de 4 grandes régions industrielles : la Wallonie, la région Rhône-Alpes, le Yorkshire avec l’université de Sheffield et la région de Rotterdam.»
Valorisation du CO2 et des déchets
CCImag’ : De quoi s’agit-il ?
A. L: «SCOT signifie Smart CO2 Transformation. C’est la première initiative européenne en matière de recyclage et de valorisation du CO2. Celui-ci pourrait être transformé en produit énergétique et remplacer à terme les matières fossiles. En améliorant les techniques de transformation du CO2, on pourrait en faire du carburant, une matière première pour l’industrie chimique et même des matériaux.»
Un nouvel avenir pour le verre
CCImag’ : Vous avez parlé de la valorisation des déchets. C’est une « veine » intéressante que l’on dit sous-exploitée.
A. L : «Oui et dans ce domaine, il y a un autre projet, WALOSCRAP, qui a pour objectif d’analyser les gisements et les flux de matières secondaires en Wallonie et de développer leur réutilisation. On estime que l’activité industrielle de la Wallonie génère annuellement entre 4 et 5 millions de tonnes de déchets valorisables. Avec le support de l’Office Wallon des Déchets, la Confédération de la Construction Wallonne et la Fédération des Entreprises de Gestion de l’Environnement, WALOSCRAP étudie le potentiel de valorisation économique de ces déchets qui sont mal exploités ou exportés alors qu’ils pourraient être valorisés en Wallonie. C’est notamment le cas des huiles et pneus usagés, des déchets plastiques, électriques ou métalliques, des déchets animaux et végétaux, des boues industrielles et des stations d’épuration ou encore des résidus de la construction et de la démolition comme le verre plat, le gypse etc. Il y a aussi le projet Frensis, porté par la société AGC Glass, qui vise à développer un vitrage super-isolant et à l’intégrer dans un châssis en PVC lui-même super-isolant, conçu par Pierret System à Libin. Le pôle GreenWin estime que ce projet apportera une innovation qui répond parfaitement aux objectifs de la construction durable et du programme cadre européen sur les performances énergétiques du bâtiment. Outre AGC Glass et Pierret System, le consortium comprend les sociétés GMA et Sadems, l’Université Catholique de Louvain et le centre de recherche Materia Nova de Mons.»
Le biomimétisme
CCImag’ : Impossible de citer tous les projets mais à vous entendre, on a l’impression que ça foisonne en matière de recherches et d’innovations liées à l’environnement
A. L : «La Wallonie est incontestablement une région « qui compte » dans ce domaine parce que nous disposons de centres de recherche très compétents. Et le rôle des pôles de compétitivité est majeur parce qu’ils obligent les chercheurs à ‟atterrir sur un projet que le marché veut bien ˮ. En d’autres mots, les pôles de compétitivité contribuent à transformer la recherche en activité industrielle.»
CCImag’ : Et cela, c’est l’effet du Plan Marshall ?
A. L : «La création du Plan Marshall a été décisive parce que, à travers les pôles, il soutient le développement des entreprises et permet aux PME d’accéder à des informations stratégiques et à des technologies innovantes auxquelles elles ne pourraient accéder seules et cela, c’est fondamental. Le pôle aide à ouvrir la ‟boite à idéesˮ.»
CCImag’ : On sent bien que GreenWin s’occupe d’un secteur-clé…
A. L : « GreenWin est au cœur du redéploiement économique de la Wallonie. Il n’y a pas d’avenir sans innovation, en particulier dans le domaine de l’environnement et du développement durable. Il n’y a pas non plus d’avenir sans industrie et, justement, les perspectives de développement sont énormes dans le domaine de l’éco–industrie. L’environnement est aussi une source d’inspiration : ainsi le biomimétisme vise à copier la nature pour fabriquer de nouveaux produits et matériaux.»
L’emploi ne se décrète pas …
CCImag’ : La question que tout le monde se pose, c’est l’impact du Plan Marshall, et du pôle GreenWin en particulier, sur l’emploi en Wallonie.
A. L : « D’abord, une remarque : l’emploi ne se décrète pas ! Il faut créer l’activité et, surtout dans des secteurs innovants comme ceux dont s’occupe GreenWin, cela prend du temps. Il faut donc accepter de se donner le temps ! Pour l’instant, les estimations sont de 2500 emplois potentiels mais le domaine industriel soutenu par le pôle est capable, à terme, d’en générer beaucoup plus. En un peu plus de 3 ans, nous sommes au 7ème appel à projets géré par GreenWin et il y a, en moyenne, entre 20 et 30 idées de projets déposés par appel. Le potentiel est bien présent. Mais il faut aussi que le contexte soit propice à la création d’activités : il faut des terrains industriels disponibles, il faut une conjoncture favorable et là, il semble que l’on sorte tout doucement de la crise. La fiscalité ou le coût salarial sont aussi des données fondamentales. Les pôles de compétitivité ont un rôle majeur à jouer, mais ils n’ont pas, seuls, le pouvoir de changer tout ! »
BIO EXPRESS
o Économiste de formation,
o De 1990 à 1999 : Direction du département économique de l’Union Wallonne des Entreprises.
o 1999 : Chef de Cabinet adjoint du Ministre de l’Economie et de la Recherche, puis Commissaire du Gouvernement et Directeur général de l’ISSeP, institut chargé par la Région de missions liées à la surveillance de la qualité de l’environnement, au traitement de déchets ou au recyclage de matériaux.
o 2011 : Directeur général de GreenWin