En Wallonie, l’industrie de la santé représente 140 PME, des dépenses annuelles privées en R&D de 1,2 milliard d’euros ainsi que 50.000 emplois directs et indirects. Directrice générale de BioWin, Sylvie Ponchaut nous explique comment ce pôle de compétitivité contribue à l’essor de ce pan de l’économie wallonne.
Pour beaucoup, BioWin reste un terme sibyllin et largement méconnu…
S.P. «Depuis 10 ans, la Wallonie a décidé de s’attaquer – certains diront enfin – au problème de sa reconversion. Depuis 2005, le gouvernement régional a créé six pôles de compétitivité : BIOWIN dans le secteur de la santé, GREENWIN pour les activités liées au secteur de l’environnement, SKYWIN, autour de l’industrie aéronautique, WAGRALIM, pour l’agroalimentaire, MECATECH, le domaine de la mécanique, et LOGISTICS IN WALLONIA, pour exploiter au maximum la position centrale de la Wallonie en Europe occidentale. Ces pôles d’excellence doivent être les axes du redéploiement économique de notre région, gravement sinistrée par la disparition de ses charbonnages puis les restructurations successives de son industrie sidérurgique.»
Quel est l’objectif de BioWin ?
S.P. : « La mission de BioWin – qui est une petite entité de 10 personnes – est de consolider les secteurs biotech-santé et technologies médicales en Wallonie, une stratégie tout à fait justifiée par la qualité de la recherche opérée dans nos cinq universités, par la présence de trois hôpitaux universitaires, de sept instituts de recherche, de 11.000 chercheurs et de sept entreprises qui occupent un leadership mondial dans le secteur de la santé. »
Ah, oui ? Lesquelles ?
S.P. : « Il s’agit de GSK, dans le secteur des médicaments et des vaccins, UCB, pour les produits pharmaceutiques, IBA, spécialisée dans le diagnostic et le traitement du cancer, Eurogentec en biotechnologie, Zoetis, pour les médicaments vétérinaires, l’IRE, en médecine nucléaire, et la société américaine Baxter qui, pour sa première implantation hors USA, a choisi la Wallonie, dès 1954, et occupe aujourd’hui deux sites, à Lessines pour la production et Braine-l’Alleud pour la recherche.»
C’est plutôt inattendu sur un territoire assez exigu…
S.P. : « Et c’est évidemment un avantage : un petit territoire de 17.000 km², avec des distances souvent inférieures à 100 km qui permettent une interaction intense et aisée entre les différents intervenants. Sans oublier la situation géographique de la Wallonie, à un jet de pierre de Paris, de Londres, des Pays-Bas et de l’Allemagne.»
L’industrie de la santé est donc un secteur très important de l’économie wallonne ?
S.P. : « Quelques chiffres pour vous en convaincre : l’industrie de la santé en Wallonie, ce sont 140 petites et moyennes entreprises, 50.000 emplois directs et indirects, 10.000 lits d’hôpitaux et des dépenses annuelles privées en R&D de 1,2 milliard €. La Belgique est le premier producteur mondial de médicaments par tête d’habitant et le secteur pharmaceutique représente 25 % du total des exportations wallonnes. Dans le secteur des médicaments, la Wallonie est, en outre, leader européen dans la phase 1 des essais cliniques, c’est à dire les premiers essais sur l’être humain après les tests sur les animaux.»
Concrètement, quelle est l’action de BioWin ?
S.P. : « BioWin repose sur quatre axes : la recherche et le développement, la formation, la création de plates-formes technologiques et l’internationalisation. En matière de recherche, 36 projets, sélectionnés par des jurys indépendants et internationaux, ont été financés à hauteur de 114 millions €, à la fois par le gouvernement régional et le secteur privé. Ils s’appuient sur un partenariat collaboratif, y compris avec des sociétés étrangères, dont le pilotage est toujours assuré par une entreprise wallonne.
La formation est évidemment indispensable afin d’assurer au secteur une main d’œuvre qualifiée, et ce, à tous les niveaux. Le pôle exerce dans ce domaine une veille attentive afin de déterminer les besoins des entreprises et organise chaque année 30.000 heures de cours, sous forme de modules, en collaboration avec le Forem et une trentaine d’experts. En outre, depuis 2008, la formation en alternance a été lancée grâce à la collaboration entre écoles supérieures et entreprises afin d’ajuster au mieux les formations des baccalauréats (trois ans) et des masters (cinq ans) aux besoins de ces entreprises.»
Le rôle de BioWin est, en quelque sorte, celui d’un facilitateur ?
S.P. : « La mission de BioWin est, à la fois, de fédérer et de créer des ponts entre les différents acteurs du secteur – universités et hautes écoles, centres de recherche, hôpitaux, entreprises, PME, investisseurs et pouvoirs publics – et de maximiser les chances de succès des projets sélectionnés en les accompagnant de leur naissance à leur aboutissement, tant du point de vue scientifique qu’économique et administratif. A l’initiative du pôle, trois plates-formes technologiques ont été constituées :
– une en protonthérapie autour d’IBA,
– une deuxième, transversale, Big Data, qui vise à la numérisation de l’industrie
– et une troisième, en thérapie cellulaire, où la recherche est assurée par quatre PME du Brabant wallon et de la région de Charleroi, Celyad, Promethera, Novadip et Bonetherapeutics, et la fabrication par MasTerCell, à Gosselies.
Et puis il y a les marchés internationaux… »
S.P. : «La consolidation de l’innovation passe immanquablement par l’internationalisation. C’est ainsi que dès 2013, les membres de BioWin ont pu participer à un appel international pour des projets R&D avec des entreprises du Massachusetts, un des plus grands « hubs » mondiaux dans le domaine de la biotechnologie. Grâce au partenariat signé entre le Massachusetts Life Sciences Center, le Gouvernement wallon et BioWin, trois projets impliquant des PME wallonnes et des entreprises nord-américaines ont été labellisés et financés. Ils concernent la thérapie cellulaire, le diagnostic in vitro et la production d’anticorps thérapeutiques.
D’autre part, avec l’aide de l’AWEX, BioWin a pu déployer des « ambassadeurs » qui aident les membres du pôle à trouver des partenaires et à accéder à des marchés dans des zones stratégiques. Outre Boston, BioWin dispose d’un représentant permanent à Shanghai, ce qui a permis à trois PME wallonnes de conclure des contrats commerciaux avec des sociétés chinoises. Il s’agit d’Analis, qui fabrique des instruments scientifiques pour laboratoire, Coris BioConcept, spécialisé dans les tests rapides de diagnostic, et RE-Elit, qui produit des isotopes radio-pharmaceutiques pour le diagnostic et le traitement du cancer.
Il y a aussi une collaboration européenne intense.
L’ouverture internationale de BioWin ne se limite évidemment pas aux horizons lointains ! Le pôle wallon est connecté à 50 pôles européens et collabore particulièrement avec quatre partenaires, Atlanpôle Biothérapies, dans les Pays de la Loire, EuroBioMed, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Lyonpôle et BioAlps, en Suisse romande, avec lesquels il organise de nombreuses actions, rencontres et missions de prospection. BioWin préside aussi deux organismes européens : le CEBR, pour Council of European Bio Regions, et le réseau européen des diagnostiqueurs, des entreprises qui fabriquent les produits destinés à diagnostiquer les maladies.»
10 ans de fonctionnement, c’est le temps d’un bilan…
S.P. : « Après 10 ans de fonctionnement, je crois que le bilan de BioWin est assez positif : 214 partenaires, 91 brevets, développement de 39 produits et services. Parmi les succès engrangés par le pôle, on peut citer, mais la liste n’est pas exhaustive :
– une technologie originale d’immunisation des vaches en vue de produire des anticorps destinés à traiter des pathologies intestinales humaines,
– la détection des signes précoces de la polyarthrite rhumatoïde et le choix du meilleur traitement,
– la mise au point d’un stent pour traiter les anévrismes cérébraux et d’un dispositif médical pour minimiser les risques de thrombose,
– la détection de l’intégrité des données médicales utilisées dans le cadre des essais cliniques des médicaments. »
Et les perspectives ?
S.P. : « Avec l’appui colossal du gouvernement régional wallon, qui investit, chaque année, 100 millions € dans ses six pôles de compétitivité, grâce aussi à un environnement scientifique favorable et à une situation géographique privilégiée, BioWin ambitionne plus que jamais de faire de la Wallonie une région reconnue sur le plan international pour sa recherche académique, clinique et industrielle de qualité mondiale. Plusieurs dizaines de milliers de chercheurs, patrons d’entreprises et travailleurs sont prêts à relever le défi ! »
Sophie Ponchaut
- Mariée, 51 ans
- Détentrice d’un Master et post-graduat en sciences biomédicales
- Docteur en pharmacie (UCL)
- Fondatrice et gérante d’IPinnova SPRL