Rencontre avec Frédéric Mathot, Directeur de CO2 Strategy et membre de la CCI Hainaut
Propos recueillis par Tatiana Hamaide
Frédéric Mathot a fondé CO2 Strategy il y a 9 ans dans l’idée d’aider les entreprises à sauver la planète. Quand on sait que « si l’ensemble de la planète vivait comme un européen, il faudrait 3 planètes terres », on comprend qu’il y a urgence dans nos pays du nord à réduire nos émissions de CO2 ! Il y va de notre survie mais aussi du (droit au) développement des pays du sud…
Face aux enjeux climatiques et écologiques, Frédéric Mathot observe que nos entreprises se sentent souvent démunies : elles savent ce qu’il faut faire en termes de gestes évidents (ex. remplacer des lampes traditionnelles par des leds, placer des panneaux solaires, etc.), mais ne savent pas que faire ensuite. CO2 Strategy, comme son nom l’indique, leur propose de construire une véritable stratégie, dans une vision globale, afin de mettre en place un plan d’action pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, et de les préparer ainsi à une économie future décarbonée.
Un bilan carbone pour mieux comptabiliser nos CO2 émis
Avant d’envisager toute action, CO2 Strategy accompagne les entreprises pour réaliser un bilan carbone de leur activité. L’intérêt de faire un bilan carbone est double :
- Il permet d’avoir une « photo » de son propre impact. L’outil ramène l’ensemble des flux d’une activité vers une même unité, le CO2, et permet ainsi de mieux les comparer. Sans cela, comme comparer l’impact CO2 des kWh d’électricité avec des litres de carburant ou des tonnes de papier ?
- Cette « comptabilité » de CO2 permet de comparer des flux différents et hiérarchiser ceux-ci afin de savoir où agir en premier.
Une stratégie carbone avec des bénéfices multiples
Autour de ce bilan carbone, CO2 Strategy a mis en place une méthodologie pour accompagner les entreprises, basée sur la sensibilisation et la participation. La stratégie implique chacun à collecter des données, à proposer des pistes de réduction, etc. « Si les idées viennent des gens en interne, il y a une forme de fierté d’avoir participé à un changement et la transition se fera de manière plus naturelle ».
Les bénéfices d’une stratégie carbone sont pour une entreprise : - Écologique : pour limiter l’impact de ses activités sur l’environnement et initier une démarche de développement durable.
- Économique : pour réduire ses coûts et les libérer de la dépendance aux énergies fossiles
- Stratégique : pour fédérer l’ensemble du personnel dans un projet positif de réduction, pour montrer une image responsable, pour anticiper les futures taxes sur les émissions, pour répondre aux exigences du marché.
La stratégie carbone inclut une forte stratégie de communication : d’une part, pour bien montrer ce que l’on fait pour sauver la planète (en craignant moins, chiffres et méthode à l’appui, d’être soupçonné de « greenwashing ») et, d’autre part, pour une notion « d’impact social ». Des études démontrent que si 20 à 25% de la population change pour sauver la planète, cela engendre un « basculement social ».
Vers une transition globale et pas seulement énergétique…
Pour Frédéric Mathot, un des réels problèmes aujourd’hui, est qu’on parle trop de « transition énergétique » et, associé à ce qu’on appelle « énergie », on traduit cela dans des efforts à faire en termes d’électricité et de chauffage, qui concerne surtout les « énergies primaires » (ou fossiles). Or, selon lui, « l’énergie est dans tout », certainement dans ce qu’on consomme, achète et qui ne se voit pas directement : ce qu’il nomme « l’énergie grise ». Par exemple, les blocs de feuilles que les entreprises achètent pour imprimer, les matières premières en provenance de certains fournisseurs, le transport, etc.
« Quand je réalise un bilan carbone pour une entreprise de fabrication, l’énergie primaire représente à peine 3 ou 4% de ses émissions. Si c’est une société
de services, on se rapprochera des 20 à 25%. ». Le reste, la plus grande partie donc, concerne cette énergie grise ! Si on s’en tient aux directives de la
Région wallonne de « transition énergétique » pure, on risquerait de limiter fortement son impact environnemental.
Il nous donne l’exemple d’un de ses clients : Roosens Bétons.
Le bilan carbone de cette entreprise révélait que les émissions provenaient principalement du poste « transport », là où la partie « énergie primaire » ne représentait que 3%. C’est par une action collective visant à couper les moteurs de camions tournant inutilement sur chantier, c’est en privilégiant le transport par voie maritime (moins émettrice de CO2 que les camions) et via d’autres actions encore, que l’entreprise louviéroise a diminué de 15 à 20% sa consommation globale de transport. Ce qui représentait beaucoup plus que les émissions liées à son énergie primaire.
Pour sauver la planète, Frédéric Mathot préfère donc parler de « transition globale » et pas uniquement de « transition énergétique » – même s’il admet que cette dernière est importante. Dans cette transition élargie, les enjeux seraient, d’un côté, de réduire ce qu’on consomme de trop – y compris les énergies fossiles qui émettent du CO2 – et, d’un autre côté, de produire autrement, non plus sous un mode linéaire mais circulaire, incluant les notions de réutilisation, réparation, recyclage,…