Simon Bouazza (Le Forum): entre ombre et lumière

Il est des métiers qui éveillent en chacun d’entre nous une part de rêve. Celui de Simon Bouazza en fait assurément partie. Depuis près d’une vingtaine d’années, ce dernier dirige un lieu mythique de la Cité Ardente : Le Forum. Loin de l’imaginaire collectif composé de strass et paillettes, son quotidien est avant tout celui d’un gestionnaire. Une réalité qu’il nous dévoile au détour d’un entretien…

Depuis 1922, le Forum anime la vie culturelle liégeoise. Mais cet antre légendaire qui a accueilli quelques-unes des plus belles voix du XX^ème siècle n’a pas toujours connu une santé financière florissante. Ainsi, lorsque Simon Bouazza en prend les rênes, en 1998, ce temple du music-hall flirte dangereusement avec la faillite. Ce jeune licencié en sciences politiques qui, à l’époque, n’a pas encore franchi le cap de la trentaine parviendra toutefois à lui redonner son lustre d’antan.

C’est loin du monde du show-business que Simon Bouazza a débuté sa carrière, quelques années plus tôt. Féru de politique (il fut d’ailleurs Président des étudiants socialistes), il fait ses premiers pas dans la vie professionnelle au sein du cabinet de Laurette Onkelinx, alors Présidente de la Communauté française. «J’avais pour mission d’être attentif aux matières gérées par certains ministres. Très rapidement, je me suis intéressé  au domaine culturel, du cinéma à la musique en passant par  la danse ou les musées. Aux côtés d’autres collaborateurs du Ministre de la Culture de l’époque, dont Serge Rangoni (ndlr : actuel Directeur du Théâtre de Liège) et Fadila Laanan, je recevais des opérateurs culturels dans le but d’écouter  leurs doléances et de les aider dans la résolution de leurs problématiques.»

Au terme de cinq années passées dans la capitale, Simon Bouazza reçoit une offre plus qu’alléchante : prendre la direction du Forum de Liège. «Quelques années auparavant, la Communauté française avait consenti d’importants investissements pour remettre la salle aux normes.  La SA en charge de la gestion et de l’exploitation des lieux affichait malheureusement un bilan financier catastrophique. Pour ne pas voir disparaitre ce joyau, le pouvoir public a décidé de réinvestir le Forum. Une ASBL chargée de relancer les activités a ainsi vu le jour.  J’ai eu la chance que l’on me propose de piloter cette association.»

A l’époque, Simon Bouazza n’a que 29  ans. Le poids des responsabilités ne le fait cependant pas trembler. «J’ai pu m’appuyer sur l’expérience et le réseau d’un conseil d’administration composé, entre autres, de Jean-Christophe Peterkenne et Pierre Gillissen.» Le travail de l’équipe nouvellement mis en place ne tarde pas à porter ses fruits : «Au bout de trois années, le Forum était remis sur rails. Nous avons poursuivi les travaux d’infrastructures pour permettre, en autres, l’amélioration du confort visuel et acoustique des spectateurs, nous avons développé de nouveaux partenariats, informatisé la gestion de la salle,… Bref, nous avons fait basculer le Forum dans le XXI^ème siècle.»

Près de 20 ans après son entrée en fonction, Simon Bouazza n’a rien perdu de son engouement. « Mais il ne faut pas se méprendre, souligne-t-il, mon métier est avant celui d’un gestionnaire. La majeure partie de mon temps est occupée par des tâches administratives. A côté de cela, il est vrai que j’ai la possibilité de me rendre régulièrement à Paris pour y découvrir des spectacles et de croiser la route d’artistes renommés.» Tout en programmant des valeurs sûres, Simon Bouazza pose également des choix artistiques audacieux. « La prise de risques est inhérente à mon activité. Au final, c’est toujours le public qui juge mon travail », conclut-il. 

BIO EXPRESS

• Né le 6 juin 1969 à Seraing
• 1981 : entame ses humanités générales à l’Athénée Liège 1 avant de les poursuivre au Lycée Léonie de Waha (option sciences sociales et économiques)
• 1987 : débute des études de Droit à l’Université de Liège
• 1990 : son diplôme de candidature en poche, il se tourne vers une licence en Sciences politiques
• 1993 : rejoint le cabinet ministériel de Laurette Onkelinx, alors Présidente de la Communauté française
• 1998 : devient Directeur général du Forum de Liège
• Père d’une fille
• Passionné de rugby

COUP DE GENIE
«Je n’ai pas la prétention d’avoir fait preuve de génie au cours de ma carrière. J’ai, en revanche, la satisfaction d’avoir eu l’une ou l’autre idée sympa. Je pense, notamment, à la création du Festival International du Rire de Liège aux côtés des frères Taloche. Pour nous distinguer d’autres évènements de ce genre, nous avons décidé d’ouvrir l’humour aux communautés étrangères implantées dans le bassin liégeois. Dans ce cadre, des représentations ont été données en turc, en arabe, en espagnol et même en langue des signes. Quand nous avons vu les salles se remplir, nous avons su que nous avions fait le bon choix. Aujourd’hui, cette recette a été reprise en France, au Québec et dans d’autres pays encore. Une belle reconnaissance.»

COUP DE CŒUR
«Je voudrais mettre en lumière un le festival international de jazz de la ville, aujourd’hui baptisé “Mithra Jazz à Liège”.  Pour cette édition 2016 (ndlr : qui se tiendra du 10 au 14 mai), les organisateurs ont fait le pari de déplacer cet évènement en divers endroits du centre-ville dont le Forum mais aussi le Théâtre de Liège, le Reflektor ou la Cité Miroir. Un choix assez audacieux quand on sait qu’il y a 25 ans que ce festival était organisé au Palais des Congrès. J’apprécie toute activité culturelle, quelle qu’elle soit, qui contribue à animer et dynamiser le cœur de la ville. Cela se traduit en retombées économiques positives pour les commerces, les restaurants, les hôtels,… Bref, je souscris totalement à ce genre d’initiatives.»

COUP DE GUEULE
«Lorsque que l’on veut faire avancer des dossiers liés à l’administration de la chose publique, cela prend du temps. Beaucoup de temps.  Les responsabilités et niveaux de pouvoir sont démultipliés avec pour conséquence une dilution du degré de responsabilité de chaque intervenant ainsi qu’un fort ralentissement des processus. Ceci étant dit, je serais de mauvaise foi si je ne reconnaissais pas que les choses ont bougé sur le plan culturel à Liège au cours des dernières années. La ville s’est dotée et se dote encore d’infrastructures très qualitatives en la matière. Même si elles prennent du retard en cours de route, les choses finissent toujours par arriver à Liège. »

DU TAC AU TAC

Quelle est votre plus grande qualité ?
J’ai le sens de la parole donnée. Je sais parallèlement me montrer fiable : lorsque je me suis engagé à faire quelque chose, il n’est pas nécessaire de me le rappeler.

Votre plus gros défaut ?
J’ai un côté soupe au lait. Il m’arrive ainsi de très vite m’emporter… et de tout aussi vite me calmer. Mais je ne pense pas être si désagréable que ça. J’en veux pour preuve le très faible turn-over qu’il y a au Forum (rires).

Une devise ?
Si tu rencontres un homme de valeur, cherche à lui ressembler. Si tu rencontres un homme médiocre, cherche ses défauts en toi-même.

Un artiste qui vous a particulièrement marqué
Je garde un souvenir ému de ma rencontre avec Ray Charles. Il avait pour habitude de tenir la main de son interlocuteur lorsqu’il discutait avec lui. Chose qu’il a faite tout au long de notre entretien. Un moment très impressionnant.

Si c’était à refaire…
Je ne pense pas avoir commis d’erreurs majeures dans la gestion du Forum. De nombreuses pistes ont été explorées. Peut-être n’ai-je pas suffisamment développé de collaborations avec de plus petits partenaires locaux. Mais il n’est pas trop tard pour faire évoluer les choses en la matière.

 Le Forum : Rue Pont d’Avroy n° 14 à 4000 Liège – Tel : 04/223.18.18 – www.leforum.be