Le développement exponentiel des médias sociaux n’influence pas uniquement la vie privée, mais se fait également sentir dans la relation entre employeur et travailleur. L’utilisation des réseaux sociaux comme outil supplémentaire dans la recherche du candidat idéal s’intensifie. Le phénomène est connu : lors du processus de recrutement, les employeurs critiques sont de plus en plus tentés de consulter le profil Facebook des candidats afin de recueillir des informations préalables et complémentaires. Mais est-ce autorisé ? Que peuvent-ils faire de ces informations ? Quels sont droits et obligation de l’employeur et du travailleur ?
Existe-t-il une loi Facebook en Belgique?
En Belgique, il n’existe actuellement pas de loi spécifique « en matière de recours aux médias sociaux lors des différentes étapes de la relation de travail ». Les conventions collectives de travail (CCT), lois générales et droits fondamentaux existants et généralement appliqués en droit du travail n’en demeurent pas moins applicables. Mais, il n’existe donc pas de loi dite « Facebook ».
Qu’en est-il du droit au respect de la vie privée sur Facebook ?
L’employeur qui souhaite consulter le profil Facebook du candidat préalablement à un entretien d’embauche, en vue de collecter des informations et/ou photos promettant de rendre une première entrevue au moins deux fois plus intéressante, doit avant tout se demander si cette démarche est autorisée et ce qu’il peut faire de ces informations.
- Consultation d’une page Facebook publique
En principe, l’employeur est autorisé à consulter les informations publiquement accessibles sur internet et donc également sur Facebook. La publication par le travailleur de certaines informations et/ou photos sera considérée comme un renoncement, dans une large mesure, au droit au respect de la vie privée. Il ne s’agit en effet pas d’un droit absolu dans le chef du travailleur si bien que des limites peuvent y être imposées. Le titulaire du droit a donc sa part de responsabilité. L’employeur peut ainsi consulter librement ces informations sans aucun problème.
- Protection et traitement des données à caractère personnel
Un employeur qui consulte préalablement le profil Facebook du candidat et collecte sur internet certaines données à caractère personnel en vue de les conserver, doit faire preuve de prudence. Dans ce cas de figure, il peut en effet être question de traitement de données personnelles.[1] La loi relative à ces données ne s’applique pas à une simple prise de connaissance ou à la mémorisation des données personnelles disponibles, ni à un simple screening du travailleur sur Facebook. Si, par contre, des notes manuscrites apparaissent ensuite dans un dossier classé de manière systématique, une capture d’écran du profil Facebook est faite ou une page internet est sauvegardée dans un dossier électronique sur le serveur de l’entreprise, il sera bel et bien question d’un traitement de données à caractère personnel. Dans ce cas, l’employeur doit informer le travailleur de l’existence d’un droit d’accès et de rectification des données personnelles conservées.
- Questions liées à la vie privée
Il convient ensuite de se demander comment traiter ces informations durant la procédure de sélection. Selon l’article 11 de la CCT n° 38 concernant le recrutement et la sélection de travailleurs, la vie privée du travailleur doit être respectée. Des questions relatives à celle-ci ne se justifient que si elles sont pertinentes en raison de la nature et des conditions d’exercice de la fonction. Les informations recherchées, obtenues et demandées devront être évaluées en fonction des objectifs légitimes de l’employeur. Ce dernier doit ainsi s’abstenir de poser des questions concernant des informations dont il a eu connaissance en consultant préalablement le profil Facebook du candidat si elles ne sont pas pertinentes pour la fonction visée. Le candidat peut donc refuser de répondre à des questions n’ayant aucun lien avec le poste, ou même taire ou dissimuler certaines informations. Des tentatives immodérées de collecter des informations via Facebook doivent donc être évitées, mais ne sont pas passibles de sanctions pénales ou administratives. Il peut néanmoins être question d’une violation de la norme sous-jacente de bonne foi.
Respect de l’interdiction de discrimination
L’interdiction de discrimination doit être respectée durant toutes les phases de la relation de travail.[2] Dans le cadre de la consultation préalable du profil Facebook du candidat, l’employeur peut obtenir des informations relatives à son âge, son sexe, son orientation sexuelle, son état civil, son passé médical, sa race, sa couleur, son ascendance ou son origine nationale ou ethnique, ses convictions politiques ou philosophiques, son handicap ou son affiliation à une organisation syndicale. Il peut donc prendre connaissance de ces informations sans problèmes mais il ne doit pas être tenté de procéder à une sélection discriminatoire sur la base de celles-ci. Le caractère absolu de cette interdiction peut être nuancé si l’employeur peut invoquer des motifs susceptibles de justifier la discrimination, sur la base de la fonction, de la nature de l’entreprise ou d’un règlement légal spécifique. Si un employeur se rend néanmoins coupable d’une sélection discriminatoire, il risque des poursuites pénales ou une amende administrative.
Il est un fait établi que dans la pratique, des candidats sont bel et bien victimes de discrimination lors de la phase précontractuelle. C’est au travailleur qui invoque une discrimination qu’incombe la première charge de la preuve. Il doit démontrer qu’il est question de discrimination. S’il y parvient, la charge de la preuve incombe ensuite à l’employeur. Ce dernier n’a cependant aucune obligation de motiver sa décision en cas de refus d’un candidat, ce qui rend la tâche d’autant plus difficile pour le travailleur.
L’utilisation de Facebook et de médias sociaux dans une phase précontractuelle offre donc incontestablement des avantages dans le cadre d’une recherche critique du candidat idéal. L’employeur doit cependant faire attention à ne pas laisser sa curiosité l’emporter et doit toujours rester attentif au droit au respect de la vie privée et à l’interdiction de discrimination.
Source : Josefien Geldof – Legal Advisor – Partena Professional
[1] Traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 1 de la loi du 8 décembre 1991 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel.
[2] Article 1 de la CCT n° 95 du 10 octobre 2008 concernant l’égalité de traitement durant toutes les phases de la relation de travail ; Article 2 bis de la CCT n° 38 du 6 décembre 1983 concernant le recrutement et la sélection de travailleurs.
© Konstantin Yuganov