Carte blanche de Carl-Alexandre Robyn - Startupologue (Cabinet Valoro) - Auteur du guide pratique « Start-up : manuel de pitchologie »
À la façon de démontrer combien l’équipe est soudée, motivée, débrouillarde et ouverte d’esprit. Pas en déclarant mais en démontrant.
Mais comment démontrer la cohésion ?
C’est là toute l’astuce d’un pitch qui fait la différence ! Par exemple, montrez comment les membres se sont cooptés et comment ils se sont partagé les tâches dans la société et les actions de celle-ci. Par exemple, expliquez que vous avez décidé collégialement de la description et de la répartition des tâches et des responsabilités, ainsi que des rémunérations liées aux différentes fonctions dirigeantes. Il n’y pas d’exercice plus fédérateur que celui-là.
L’existence d’un processus de sélection (des candidats cofondateurs) et d’une méthode de répartition du capital est un bon exemple de courage, de maturité (qui compense en partie l’inexpérience, surtout lorsque vous n’avez encore connu ni échecs ni succès), de discernement et de génie tactique (débrouillardise).
C’est le meilleur moyen de rassurer vos investisseurs : vous mettez le doigt sur le plus gros risque d’échec de toute entreprise émergente (les disputes entre associés) et vous montrez comment vous allez vous en prémunir.
Indiquez comment (par quel type de questionnement…) vous avez sondé les motivations de chacun de vos coéquipiers. Dire qu’ « on est soudé parce qu’on est dans la même équipe de voile ou de foot, parce que nous avons fait les scouts ensemble, parce que nous étions dans la même université… » n’est pas pertinent.
Comment montrer que vous êtes motivé et engagé dans le projet ?
Notamment en montrant la proportion de vos économies (de votre patrimoine) investie dans le projet. C’est une question piège souvent posée par les investisseurs : « Combien avez-vous investi sur vos fonds personnels dans ce projet ? »
Toutes vos économies ? Trois quarts de vos économies ? La moitié de vos économies ? Moins de la moitié de vos économies ? Quand le jeune entrepreneur y va de sa poche, c’est un signe fort de détermination (encore davantage quand il hypothèque un bien) et de conviction aux yeux des capitaux-risqueurs.
En effet, c’est la meilleure preuve que vous y croyez. Peu importe le montant que vous investissez pourvu que ce soit significatif compte tenu de vos moyens. Le business angel qui investit son propre patrimoine (celui qu’il compte léguer à ses enfants) ne supporte pas les porteurs de projet qui préfèrent mettre en sécurité leur propre patrimoine. « Pourquoi devrais-je risquer l’argent que je destine plus tard à la prunelle de mes yeux pour un entrepreneur qui préfère mettre en sécurité le sien ? »
Comment prouver votre degré d’ouverture ?
Notamment, en acceptant si cela s’avère nécessaire, d’être mentoré ou dirigé par un CEO professionnel venant de l’extérieur. L’ouverture d’esprit est la disposition nécessaire pour la remise en question qui, aux yeux des investisseurs, est la meilleure preuve d’humilité et d’écoute.
Cette disposition n’est pas communément partagée par les porteurs de projet qui sont également sujets, pour une partie d’entre eux, à la psychorigidité : des idées, des préjugés, des convictions fortes solidement ancrées qui confinent parfois à l’obsession et à un ego démesuré.
La faculté de remise en question est une qualité très recherchée parce que c’est elle qui va permettre de « pivoter » le modèle, le produit, le marketing, la stratégie, en cas de nécessité. Le chaos est l’élément dans lequel baigne la start-up. Évoluer dans un univers chaotique nécessite donc une grande flexibilité.
C’est un constat statistique : les startups qui percent ont dû, pour 70 % d’entre elles, pivoter au moins deux fois. Au moins trois fois, pour environ 33 % d’entre elles (source Startup Genome Report 2015).
Donc, pour démontrer que vous saurez pivoter, si cela s’avérait nécessaire, donnez des exemples de votre ouverture d’esprit, de vos facultés d’écoute et de remise en question. Ces exemples peuvent être tirés autant de vos activités professionnelles, que de vos activités sociales (familiales, sportives…).
On peut dire que le porteur de projet erre dans un état schizophrénique permanent. D’un côté, on lui demande d’avoir des convictions (preuves de sa détermination, de sa persévérance) mais en même temps de les remettre fréquemment en question. Être à l’écoute de son environnement (le marché et les associés) implique parfois le renoncement à ses convictions initiales.
D’un autre côté, il souhaite le contrôle (de sa start-up) et la richesse (les fruits de sa jeune pousse) mais s’il n’en cède pas une partie à autrui, il n’ira ni loin, ni vite.