Transmettre une entreprise familiale, ce n’est pas uniquement transmettre des actions, c’est également transmettre un savoir-faire particulier et les valeurs attachées à l’entreprise. Le transfert effectif des actions ne constitue généralement que l’aboutissement de ce processus qui le dépasse et l’englobe. Mêlant l’entreprise et la famille, le processus de transmission d’une entreprise familiale est complexe et représente souvent un défi pour les familles entrepreneuriales.
L’objectif de la charte familiale est d’accompagner les familles, d’encadrer leurs échanges et d’aborder préventivement les différentes questions qui pourraient s’avérer conflictuelles par la suite telles que les conditions d’emploi d’un membre de la famille, les relations entre les familiaux actifs et non actifs dans l’entreprise, la place de la belle-famille, la rémunération d’un membre de la famille absent pour maladie… Les actionnaires, les membres de la famille et les travailleurs de l’entreprise ont en effet parfois des intérêts opposés qu’il faudra apprendre à concilier.
Par exemple, les actionnaires actifs dans l’entreprise auront souvent envie de réinvestir une plus grande partie des bénéfices dans l’activité tandis que les actionnaires passifs auront un souhait plus important de voir rémunérer la mise à risque de leur capital par le biais de la distribution de dividendes. Lors de la rédaction d’une charte familiale, la première étape est d’apprendre à connaître la famille et ses membres, de manière à ce que cette charte permette de répondre au mieux à leurs besoins.
L’importance de la communication
Des workshops basés sur l’intelligence collective permettent aux membres de la famille de réaliser petit à petit, à travers leurs échanges que c’est en prenant ensemble des décisions ensemble et en identifiant ensemble les lignes directrices futures qu’ils auront ensuite le souhait de les respecter. Ce processus renforce le sentiment d’appartenance à la famille et à l’entreprise pour autant qu’il soit mené par chacun des membres de la famille avec une attitude ouverte, transparente et constructive. En effet, les actionnaires actuels mais également les actionnaires futurs, sont présents lors des workshops qu’ils aient vocation ou non à être actifs dans l’entreprise.
La transmission est souvent floue pour les parents qui ne savent pas si leurs enfants sont capables et ont envie de continuer mais également pour les enfants qui ne savent pas encore très bien où se trouve leur place dans l’entreprise familiale. Il est important de commencer par clarifier les envies et les rôles actuels et futurs de chacun mais également de faire émerger les valeurs familiales qui vont pousser la famille à trouver leur dynamique pour l’avenir, qu’elle soit familiale ou non. Dans ce cadre, il est important de savoir si la structure de l’entreprise correspond toujours aux besoins et à la génération future.
Il peut en effet paraitre évident que l’entreprise familiale sera reprise par certains des enfants. Cela n’est toutefois pas forcément clair pour ces derniers, ceux-ci souhaitant par exemple se laisser la possibilité d’éventuellement quitter l’entreprise à moyen terme. Il est donc important de connaitre les envies et les besoins de chacun.
Dans le but de respecter les envies et les besoins de tous, une famille pourrait par exemple décider de réorganiser les activités de son entreprise, pour pouvoir donner une société opérationnelle aux enfants actifs dans l’entreprise et une société immobilière aux enfants non-actifs
Approche sur mesure
Chaque famille est unique et nécessite une approche sur mesure. Les thèmes abordés (liés notamment à la gouvernance, à la propriété des actions et à l’implication de la famille) sont semblables mais la manière de les aborder dépend de l’ADN de la famille, de chacun de ses membres et de l’entreprise.
Par exemple, en présence de jeunes enfants, il n’est pas opportun de parler de clauses d’agrément, de restriction de cession ou de planning successoral. Par contre, les familiariser avec les notions de gouvernance, de propriété et les liens qui existent entre les deux est primordial.
Autre exemple, une entreprise pourrait mettre plus l’accent sur les valeurs partagées, la vision de l’entreprise et la mission de la famille tandis qu’une autre invitera les prochaines générations à y réfléchir dans le cadre du trajet.
Planning patrimonial
Un trajet d’accompagnement se termine généralement par une transmission réelle des actions et donc une donation, une vente ou un mélange des deux, dépendant des besoins de liquidités, de la pression fiscale en cas de décès, des besoins et souhaits de la famille, …
Lorsqu’une donation est prématurée ou pas encore souhaitée, un plan d’action peut être élaboré, avec différentes étapes à mettre en œuvre dans un horizon déterminé en fonction des besoins des membres de la famille. Les familles ont généralement le souhait de former la nouvelle génération au fonctionnement d’une entreprise et de ses finances, sa gouvernance, sa fiscalité.
Un filet de sécurité est alors prévu pour limiter le risque fiscal en cas de décès inopiné. Par exemple, à défaut de planning, en présence d’enfants mineurs, le droit de vote de cet enfant sera exercé par le parent survivant, que ce parent soit l’ex-conjoint ou pas. Ce dernier aura également le droit de jouissance des biens de l’enfant mineur, et en l’occurrence, percevra les dividendes distribués par la société. Autre exemple, indépendamment du régime matrimonial, le conjoint survivant recueillera l’usufruit de toute la succession du conjoint prémourant.
Approche multidisciplinaire
L’objectif principal est d’aider les familles dans le cadre de ces transmissions. Une approche multidisciplinaire permet d’avoir un point de vue englobant tous les aspects liés à la détention d’un patrimoine sociétaire (ou privé), tant au niveau fiscal, patrimonial, successoral, corporate, social et financier qu’au niveau de la stratégie, du marketing, …
Image par Arek Socha de Pixabay
Auteur : Vincent Trevisan, Partner Deloitte Private