Au début des années trente, Sandor Heine arrive à Liège, fuyant la Hongrie et le régime autoritaire de l’amiral Horthy. Artisan dans l’âme, il y crée en 1934 la société Lumina et s’installe dans le quartier du Laveu. Il fabrique des luminaires, comme une cinquantaine d’autres lustriers liègeois à l’époque. Armurerie, horlogerie : la tradition de l’artisanat de précision a de solides racines au Pays de Liège.
En 1990, son fils André succède à Sandor et rebaptise l’entreprise Andràs. La société restaure les luminaires mais, inspiré par des voyages lointains en Ukraine et jusqu’en Mongolie, André continue aussi la production de modèles originaux. Le plus connu est un luminaire sur pied, « La lampe du Pays de Liège », sur laquelle on trouve des motifs rappelant l’histoire et le folklore liégeois comme Tchantchès ou le Perron.
Depuis 2017, Sandrine Gluza a repris l’activité et s’est établie en 2019 à Seraing, sur le site du Puits Marie, rue du Charbonnage, des noms qui évoquent une autre activité ancestrale de la région.
La plupart du temps, Sandrine – un prénom qui n’est pas sans rappeler celui du fondateur – travaille seule. Elle a parfois besoin d’une aide ponctuelle, elle peut alors compter sur l’assistance de la société d’éclairage Colasse dont elle est une des administratrices. Elle a abandonné la production et se concentre sur la restauration.
Un client proche de la reine Elisabeth II
« Le marché est très prometteur. Il touche tant le patrimoine privé que public. J’ai de nombreux clients particuliers qui souhaitent restaurer et adapter des lustres anciens mais aussi des maisons-musées comme la maison art-nouveu Losseau à Mons, des châteaux, des palais. Pour les 200 ans des usines Cockerill, j’ai travaillé pour le château de Seraing, siège de CMI devenu depuis lors John Cockerill. Je collabore aussi avec la Régie des Bâtiments et la Province pour l’ancien Palais des Princes-Evêques. La restauration peut durer d’un jour à plusieurs semaines mais en moyenne, je restaure trois lustres par semaine. Pour la clientèle, je fonctionne essentiellement par le bouche à oreille. Il m’arrive de recevoir des commandes de France ou du Grand-Duché. J’ai aussi restauré un lustre énorme d’un château des Cornouailles dont le propriétaire est un proche de la reine Elisabeth II. »
Un jour à Buckingham, sait-on jamais ?
Grimoires et bibilothèques
Il faut dire que Sandrine Gluza est une vraie passionnée, qu’elle adore son métier et qu’elle est intarissable quand elle en parle…
« C’est un vrai travail artisanal, complexe et parfois dangereux. Il faut restaurer l’extérieur du lustre ou du luminaire mais aussi adapter le système électrique aux normes et aux exigences actuelles. Je travaille sur le métal et pour retrouver la patine originale, j’utilise des acides. J’emploie aussi des machines anciennes très performantes mais qui datent de la création de la société il y a près de 90 ans. Je recherche de vieilles recettes dans de vieux grimoires, je fréquente régulièrement des bibliothèques. Bref, c’est un métier aux multiples facettes. Au départ, je suis diplômée en commerce extérieur, ce qui n’a rien à voir. J’ai donc dû me former aux différentes techniques chez Technifutur et je suis certifiée par la société Vinçotte. »
Pour progresser, une entreprise doit sans cesse évoluer. Après le changement de nom de 1990, le changement de propriétaire en 2017, le déménagement de 2019, Sandrine Gluza aborde un nouveau tournant avec un nouveau nom qu’elle ne peut pas encore dévoiler.
Reconnue et primée en Belgique par l’Union des artisans du patrimoine et à l’étranger par la Fondation Michelangelo, basée à Genève, qui met en valeur les meilleurs artisans européens, Sandrine commence à rêver à d’autres horizons. Les châteaux sont nombreux en Europe et ce ne sont pas tous des châteaux en Espagne…