Lors d’une conférence de presse, ce 27 avril, chez Bister, les conclusions de l’enquête conjoncturelle semestrielle de l’UWE ont été dévoilées…
Covid, inondations, pénuries et à présent la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine. L’économie wallonne n’aura décidément pas le temps de reprendre son souffle. Après une année 2021 marquée par un rattrapage économique important en Wallonie, les perspectives se détériorent progressivement. La hausse des prix énergétiques et des matières premières, les problèmes d’approvisionnements en intrants ainsi que le contexte géopolitique de plus en plus incertain sont autant de facteurs qui pèseront sur la croissance en 2022. Quelles sont les marges de manœuvre ? Quels sont les leviers dont dispose la Wallonie ?
Les perspectives pour 2022 se détériorent en Wallonie. Après une forte croissance de l’économie wallonne en 2021 (+5,7%), en grande partie due au rattrapage de la récession de 2020, les perspectives pour 2022 se tassent en effet très nettement, dans un contexte économique et géopolitique particulièrement volatile. Les résultats de notre enquête menée auprès des entrepreneurs wallons en attestent : leurs perspectives quant à l’activité, les investissements et les exportations se réduisent.
Plusieurs facteurs pèsent sur les perspectives de croissance économique. Notre enquête le confirme : deux tiers des entrepreneurs wallons estiment que la guerre en Ukraine a un impact élevé ou très élevé sur les prix de l’énergie pour leur entreprise. Cette envolée du prix de l’énergie, combinée à celle des matières premières, fait ainsi pression sur les coûts de production des entreprises. Quand celles-ci ne parviennent pas à répercuter ces augmentations sur leurs prix de vente, elles le font sur leurs marges, compliquant par-là leurs plans d’investissement, leur stratégie d’innovation ou encore leur développement marketing. Au bout du chemin, c’est leur compétitivité qui est menacée.
Dans ce contexte, le taux de change euro/dollar actuellement défavorable aux importations renforce cet impact négatif, le prix des matières premières et de l’énergie étant souvent cotés en dollar. L’effet positif de la dépréciation de l’euro sur les exportateurs ne semble cependant pas compenser, notre enquête montrant une diminution des perspectives à l’international. Ensuite, les problèmes d’approvisionnements, qui causent des délais de livraison importants, représentent également un risque majeur.
Des marges de manœuvre limitées
Comment réagir alors ? Du côté des États, les marges de manœuvre budgétaires se sont fortement réduites en raison de leur niveau élevé d’endettement, résultat de la crise sanitaire et d’années d’insouciance budgétaire. Et la Région Wallonne singulièrement, qui a vu sa dette atteindre des niveaux stratosphériques avec un ratio d’endettement dette/recettes de plus de 200%. Ce ratio pourrait même atteindre 280% à l’horizon 2030 si aucune mesure n’est prise pour inverser la tendance !
Pour l’emploi, les perspectives sont préservées : malgré des perspectives économiques limitées, l’emploi devrait en effet continuer à progresser en Wallonie à court terme, selon notre enquête auprès des entrepreneurs wallons. Plusieurs raisons permettent d’expliquer ce paradoxe. D’une part, nous sommes confrontés à une crise d’offre, mais avec une demande toujours soutenue. D’autre part, de nombreux postes sont toujours non pourvus depuis longtemps et les prévisions de croissance sont toujours positives.
Quels défis pour la Wallonie ?
Cette nouvelle crise aura un coût. La défense de nos valeurs démocratiques et de nos libertés l’impose et il faut l’accepter. Chacun des agents économiques devra en assumer sa part : les entreprises, les consommateurs et les autorités. Ce contexte ne doit cependant pas faire perdre de vue les enjeux de long terme. Les ressources des entreprises devront pouvoir être préservées pour leur permettre de continuer à investir, à innover, à recruter. Comme le souligne Olivier de Wasseige, « Les perspectives d’évolution des coûts salariaux représentent à cet égard un enjeu phénoménal, dans un contexte d’explosion des coûts de production. Des réponses devront y être apportées au risque de voir la baisse de compétitivité hypothéquer les perspectives d’avenir. Bien entendu, les ménages les plus précarisés devront être soutenus et leurs besoins vitaux assurés au travers de mécanismes ciblés et temporaires. »
Les coûts de l’énergie ont atteint des niveaux jamais rencontrés. « Or, rappelle l’Administrateur délégué de l’UWE, ils sont déjà en temps normal plus élevés en Wallonie que dans plusieurs des régions ou pays voisins, comme l’atteste la dernière étude menée par FEBELIEC. » Des mesures vont donc devoir être prises à court terme, dans l’urgence, en examinant comment réduire temporairement le niveau des surcharges (avec compensation via l’utilisation des fonds alloués à des projets non prioritaires du PDR), et à plus moyen terme, dans l’objectif de garantir un prix compétitif de l’énergie pour les entreprises wallonnes (réflexions sur le tarif industriel).
La Wallonie devra, dans ce contexte très complexe, être à la hauteur des défis. Son plan de relance devra aboutir et concentrer ses efforts sur ses priorités. La problématique de la complexité institutionnelle et administrative devra être abordée, de même que celle sur l’efficacité des structures publiques.
Et Olivier de Wasseige de conclure : « Les finances publiques régionales devront être rééquilibrées, au risque de voir à terme les taux d’intérêt contraindre sa capacité d’action. Cet assainissement des finances publiques passe par un respect rigoureux et continu du Budget Base Zéro (BBZ). Il s’agit donc de faire des économies, et non de réallouer certaines dépenses à d’autres postes. »