Clarisse Ramakers, 44 ans, Liégeoise mère de trois garçons, est devenue directrice générale d’Agoria Wallonie il y a tout juste un an, en mai 2021. Pour ses débuts, elle a été gâtée, c’est le moins qu’on puisse dire…
« Les crises se sont succédées, en effet. Il y a d’abord eu le confinement de mai 2021 qui ne m’a pas permis de créer tout de suite les premiers contacts avec les membres, puis ce furent les inondations de la mi-juillet qui ont touché de nombreuses entreprises, en particulier en province de Liège, et maintenant, il y a la guerre en Ukraine avec toutes ses conséquences sur la santé de notre économie. »
Justement, parlons de l’économie…
« Pour les entreprises, la situation est préoccupante. Sur un an, l’inflation s’élève à 7,8 %, du jamais vu depuis la crise pétrolière de 1973. Avec notre système d’indexation automatique, les entreprises subissent une double peine : l’augmentation des coûts salariaux et l’explosion du prix de l’énergie. Chez Agoria, nous plaidons pour un partage de ces charges supplémentaires entre les entreprises, les travailleurs, par une modération salariale, et les pouvoirs publics par une réduction des cotisations patronales. Sinon, il sera impossible de faire face à la concurrence. Les prévisions de croissance sont déjà revues à la baisse : on tablait sur 4 % en 2022, on arrivera à peine à 2,5 % »
En outre, il y a l’augmentation du prix des matières premières.
« L’espoir, c’est d’arriver à une stabilisation des prix d’ici la fin de l’année mais cela dépendra de l’évolution de la situation internationale. Il n’y a pas que les prix, il y aussi la pénurie des matières premières. Certaines entreprises ont déjà dû interrompre leur production. Ce fut le cas, par exemple, de Volvo à Gand. C’est vrai aussi en Wallonie. Cela peut sembler anecdotique mais une entreprise agroalimentaire de la région namuroise doit faire face à un manque de jaunes d’oeufs ! »
Certains problèmes sont provoqués par la situation actuelle mais d’autres sont récurrents.
Une autre pénurie menace, celle des talents !
« Rien que dans le secteur d’Agoria, 21.000 postes de travail sont disponibles en Wallonie. 126 fonctions sont en pénurie ! Cela fait plus de trente ans qu’on tire la sonnette d’alarme, en vain. Il est vraiment temps d’agir, surtout si l’on veut réindustrialiser la Wallonie. Beaucoup d’entreprises s’efforcent de sensibiliser les jeunes et les demandeurs d’emploi mais nous avons besoin d’une politique plus courageuse qui les inciterait à choisir les filières en pénurie. Quitte à risquer d’être impopulaire… Il y a aussi la formation. Certaines entreprises s’en chargent mais cela coûte du temps et de l’argent. Il faudrait un financement public, comme c’est le cas pour l’enseignement de plein exercice. »
Ceci dit, tout n’est pas noir…
« Heureusement, non ! Il y a en Wallonie beaucoup d’innovation, de recherches et de créativité. Les start up forment un nouvel écosystème. Le gouvernement wallon consacre 350 millions d’euros par an à l’aide à l’innovation et les formalités d’octroi ont été simplifiées. L’intelligence artificielle, par exemple, est un fabuleux outil de gestion dans tous les domaines. Agoria encourage ses membres à s’y intéresser de près. Je pense aussi aux recherches menées par John Cockerill sur l’hydrogène ou par Safran Aeroboosters sur les nouveaux moteurs d’avion. Et puis, il y a l’économie circulaire, dans laquelle la Wallonie est à la pointe, qui peut résoudre en partie le problème de notre dépendance aux matières premières. La première quinzaine de l’économie circulaire aura lieu du 30 mai au 10 juin dans toute la Wallonie afin de sensibiliser le public et les acteurs économiques. Cela bouge et même si la situation actuelle est difficile, je refuse de croire qu’elle soit une fatalité. »