Coopératives, ETA, libérées, familiales, dirigées par un tandem ou un trio, fruit d’un management by out, etc. : nous sommes partis à la rencontre d’entreprises qui ont un modèle particulier. Aujourd’hui, rencontre avec François Bruliau, directeur de Décathlon Namur.
QUELLE EST L’ACTIVITÉ PRINCIPALE DE VOTRE ENTREPRISE ?
« Nous sommes actifs dans la distribution d’articles de sport sur une surface commerciale d’environ 5.000 m². Nous dépassons les 100 sports différents. Voici deux ans, nous sommes passés à un autre plan de parcours du magasin, différent du Décathlon classique et qui permet une ambiance plus immersive par sport en créant des agencements par sport. »
QUEL EST VOTRE MODÈLE D’ORGANISATION ?
« En 2016, quand mon directeur de l’époque est parti, nous avons transformé notre modèle de gouvernance en ce qu’on appelait alors une entreprise libérée et nous sommes partis en co-leadership. »
COMMENT ÊTES-VOUS ARRIVÉS À CETTE FORME ?
« Cela fait quinze ans que je travaille pour Décathlon, avec le parcours classique du retail: vendeur, manager de rayon à Mons, responsable d’exploitation à Namur, directeur depuis quatre ans. Pour moins de hiérarchie et d’ego, mon rôle est plutôt celui de leader. »
QUELLES SONT LES CONDITIONS POUR PARVENIR À CE MODÈLE ?
« Au sein de Décathlon Belgique, quelques leaders dont moi-même avons suivi diverses formations et nous sommes faits accompagner par Frédéric Laloux, coach en entreprise, spécialiste en organisation du travail. Le mouvement d’entreprise libérée a été initié. L’enseigne de Namur était l’un des magasins pilotes pour mesurer l’impact de cette nouvelle gouvernance. »
QUEL EST L’IMPACT SUR LA GOUVERNANCE ?
« Il fallait supprimer les strates hiérarchiques et les figures d’autorité paternelle. Les responsabilités sont divisées. Des co-leaders distribuent les responsabilités de la gestion du magasin. Ensuite, il y a une équipe de leaders, de managers de rayon. »
QUELS SONT LES AVANTAGES DE CE MODÈLE ?
« Cela a amené beaucoup de liberté, mais aussi davantage de responsabilités. Personnellement, j’exerce un rôle, pas un métier. Quelles sont mes forces, mes faiblesses ? Sur cette base, j’ai créé ma fiche-métier pour être davantage au service du magasin, avec les bonnes personnes au bon endroit pour les bonnes raisons. »
QUELS SONT LES INCONVÉNIENTS ?
« La responsabilité était trop diluée et on manquait d’efficacité dans la vision du magasin. Il y a quatre ans, je suis passé de co-leader à directeur. »
COMMENT CELA A-T-IL ÉTÉ PERÇU PAR LE PERSONNEL ?
« Quand j’étais co-leader, les personnes avaient une perte de repères, se demandant qui était le capitaine du bateau. Cela avait créé beaucoup d’incompréhension et parfois des craintes. Pour les équipes, cela a été plus clair quand j’ai repris le titre de directeur. »
COMMENT SE DÉROULE LE PROCESSUS D’AUGMENTATION SALARIALE ?
« Avant, on passait devant un comité de direction. Aujourd’hui, le collaborateur met son N+1 dans la boucle avec un de ses pairs et un challenger. Il présente ses performances de l’année, les feedbacks… Finalement, il estime de combien il veut être augmenté.»
FAITES-VOUS CONNAÎTRE CETTE SPÉCIFICITÉ À L’EXTÉRIEUR ?
« Oui, nous avons des échanges avec différentes entreprises. Je suis allé dans des classes d’universités pour expliquer notre nouveau modèle de gouvernance. »
EST-CE REPRODUCTIBLE DANS D’AUTRES ENTREPRISES ?
« Oui, c’est très vivant. Ce processus évolue, il ne faut pas mettre de standard. »
EN QUOI POUVEZ-VOUS INSPIRER D’AUTRES ENTREPRISES ?
« C’est du win-win, pour elles comme pour nous.»
UN CONSEIL À DONNER ?
« Le but premier est la valeur. Notre monde peut fonctionner différemment. D’abord, il faut travailler la partie invisible des individus qui ont un rôle important dans la société. Ensuite, chaque collaborateur doit avoir accès à un parcours de formation.»
(Photo Décathlon)