Isolement, pression, non anticipation : 70% de nos entrepreneurs se retrouvent confrontés un jour ou l’autre à un accident de vie. Lorsqu’un entrepreneur traverse une épreuve – maladie, accident, burn-out, deuil – l’impact est souvent dramatique, tant pour lui que pour son entreprise et son entourage.
Une enquête réalisée en ce début d’année par BforB, un collectif d’entraide créé par des entrepreneurs pour des entrepreneurs, révèle que 40% d’entre eux ne s’arrêtent jamais de travailler tandis que 2/3 se disent totalement démunis face aux imprévus. Pourtant, des solutions existent pour mieux anticiper et être accompagné.
Avec 33.000 indépendants en invalidité en 2023, soit 10% de plus qu’en 2022 (source INAMI), les conséquences sont fortes pour notre économie. Mais il ne s’agit encore malheureusement que de la partie visible de l’iceberg.
Cette enquête inédite ciblant la question des accidents de la vie chez les entrepreneurs en Wallonie et à Bruxelles ; elle a été réalisée en partenariat avec le professeur Marcus Dejardin, UNamur et UCLouvain et la Caisse d’assurances sociales UCM et relayée par UCM, AKT for Wallonia et BECI – nous enseigne qu’en cas de maladie grave, burn out, perte d’un proche, etc., 40% des entrepreneurs n’arrêtent jamais le travail tandis que 35 autres % se mettent juste en pause moins de 3 mois.
En d’autres mots, ces entrepreneurs, fatigués, voire en situation d’épuisement ou de détresse totale, reprennent envers et contre tout le chemin du travail aussi vite que possible. Avec quelles répercussions sur eux-mêmes et sur leurs activités ?
Comment ces situations – incapacité, incidences privées et incidences sur l’entreprise – pourraient-elles être mieux gérées, anticipées ?
A y regarder de plus près, les besoins et les attentes des entrepreneurs sont grandes. Et des solutions existent ! Les enjeux sont, à la fois, sociaux (aussi pour les centaines de milliers de travailleurs salariés concernés et les familles qui en dépendent) et bien sûr économiques.
BforB a interrogé les entrepreneurs afin de « mettre des chiffres sur des maux ». En une semaine, 500 d’entre eux ont répondu à notre questionnaire.
Cette enquête révèle concrètement une réalité souvent cachée ou peu médiatisée.
Constats : une réalité alarmante pour les entrepreneurs
*Solitude des entrepreneurs :
– seuls 10% d’entre eux se sentent véritablement entourés ou soutenus.
– presque tous ont ressenti un isolement accru suite à leur accident de vie.
– 75% continuent leur activité et leurs actions sont presque exclusivement orientées vers des préoccupations opérationnelles et financières.
Ils traversent très souvent les difficultés seuls en continuant à travailler et en prenant tout sur leurs épaules, sans prendre soin d’eux-mêmes.
*Accident de vie
– 70% ont déjà vécu un aléa de santé ou de vie.
– 4/10 ne modifient pas leur charge de travail par la suite.
Evidemment, les chefs d’entreprise ne sont pas invincibles d’autant qu’ils sont soumis au quotidien à une pression constante, à des incertitudes, à des horaires chargés et à des responsabilités importantes, souvent sans trop se soucier de leur bien-être.
*Impacts négatifs
– pour près de 50% des entrepreneurs, sur leur vie privée.
– pour 2/3 des répondants, au niveau de leur entreprise et de leur activité (en termes de pertes d’emploi, de chiffre d’affaires et d’Ebitda).
– 60 % des entrepreneurs ayant connu un accident de vie se sentent personnellement responsable par rapport à l’ampleur des répercussions.
Ces répercussions élevées justifient de briser le tabou de l’entrepreneur qui a peur de montrer ses faiblesses et qui veut à tout prix garder la face.
Solutions : comment mieux anticiper et accompagner
*Mesures d’anticipation
– 70% ont souscrit à certaines assurances combinées, pour 30% d’entre eux seulement, avec des mesures d’organisation au sein de l’entreprise.
– 2/3 des répondants se disent trop peu préparés ou souvent totalement impréparés à ce type de situation.
Entrepreneurs solidaires passés par là
Derrière chaque entrepreneur, il y a une histoire. Et parfois, cette histoire prend un tournant imprévu. C’est le cas de Serge Lejeune, multi-entrepreneur liégeois. Il a fondé récemment l’ASBL BforB, un collectif d’entraide qui repose sur une conviction forte : aucun entrepreneur ne devrait affronter seul les tempêtes de la vie.
« La solitude du chef d’entreprise » explique-t-il, « est une réalité, exacerbée face aux épreuves : une maladie, un deuil, un accident. L’entrepreneur est souvent impréparé quand la vie vient tout bousculer et avec lui, c’est aussi toute une entreprise qui vacille. Pourtant, ces hommes et ces femmes bâtissent l’économie et la société de demain. En les soutenant dans ces moments difficiles, nous contribuons à préserver des projets porteurs de sens et d’emploi.»
BforB agit sur trois principaux axes : anticiper (sensibiliser et préparer les entrepreneurs aux risques potentiels), accompagner (offrir un soutien concret et personnalisé au moment du besoin) et reconstruire (aider à rebondir après une épreuve pour repartir sur des bases solides). Elle ambitionne d’offrir des solutions concrètes comme la création d’un réseau de soutien humain et structuré, la mise en place d’une communauté solidaire et des stratégies proactives, avec une approche bien-être et prévention, un partage d’expériences et de solutions adaptées, des séminaires et conférences pour sensibiliser et informer, un accès à des dispositifs d’assurance uniques et avantageux,…
Le vécu, les leçons et l’engagement des entrepreneurs bénévoles sont au coeur de la mission de BforB : bâtir un écosystème entrepreneurial permettant à chaque entrepreneur de rompre l’isolement et de rebondir.
Spécifiquement outillé par l’ASBL et disposant d’un réseau d’experts pour des interventions ciblées dans des domaines variés, les entrepreneurs accompagnent d’autres entrepreneurs confrontés à une expérience similaire à la leur. Le but est de fournir une écoute et de proposer des solutions concrètes pour traverser au mieux l’accident de vie.
Dès maintenant, tous les entrepreneurs wallons et bruxellois répondant aux critères définis par l’association ont la possibilité de devenir membre ou de s’impliquer dans l’ASBL.
(Photo Engin Akyurt / Pixabay)