
A Braine-l’Alleud, l’exotisme s’invite chez Maïnoï dans un cadre végétal, où se déploient sur les murs des paysages de montagnes, de rizières et des décorations en bois sculpté. « Ce sont les oeuvres d’artisans de la région de l’ancien « royaume de Lanna », au nord de la Thaïlande, qui se sont spécialisés dans ce genre de travail », indique le maitre des lieux.
Les tables dressées dans la salle sont réalisées, pour leur part, dans une essence provenant du Vietnam. Et certaines parois de la pièce sont recouvertes de lambris issus de palettes. « Mon nom, Maïnoï, signifie « petit bois », donc cela a un peu influencé mon choix de décoration » note Tan Maïnoï, amusé…

Tradition familiale
S’il souhaite faire voyager ses hôtes, par le décor et les saveurs, le chef veut également qu’ils se sentent dans son antre aussi détendus que chez eux… Ici, pas de nappe sur les tables, pas de gants blancs, mais un accueil soigné, authentique et chaleureux et des plats qui mêlent savamment les épices, joliment présentés. Les assiettes sont d’ailleurs régulièrement agrémentées d’une touche florale. « C’est esthétique et, de plus, ces plantes que nous allons chercher chez « Capucine à table » à Rixensart, sont toujours comestibles ; le choix y est large et ce sont des ingrédients que vous ne trouverez pas dans les commerces», pointe le chef en grignotant une feuille d’oxalis au goût acidulé.
« Nos clients nous reviennent avec une telle fidélité que nous nous permettons de fermer trois à quatre mois durant l’année, et toujours aux mois de juillet et d’août… », signale Tan.
Leurs longs temps de pauses, Tan et son épouse les consacrent à la famille. Avec leurs deux filles, ils s’envolent vers la Thaïlande, le pays où ils ont leurs racines et où ils rejoignent les parents de Fon DokDaeng dans le Nord. Ils surveillent l’évolution de leurs rizières, derrière la maison familiale et consacrent quelques jours à visiter leurs fournisseurs, puisque le couple importe diverses denrées du pays du sourire : lait de coco, fruits, herbes, riz…
Là-bas, Tan se sent intensément libre en accompagnant depuis huit ans un groupe d’une centaine de motards pour des escapades de quatre jours, de Bangkok à Phuket. « On part entre hommes, de toutes professions, il y a tout aussi bien des chefs que des photographes, des journalistes et nous sommes inclusifs, dans ce groupe, donc on peut en faire partie, quelle que soit la marque ou le type de moto que l’on possède… », sourit-il.
Les breaks, c’est essentiel pour se remettre les idées bien en place, nourrir sa créativité et reprendre le travail avec un enthousiasme et une efficacité accrus, estime le trentenaire.
« Nos clients nous reviennent avec une grande fidélité, après nos longs congés ! »
Né à Bangkok, il est arrivé en Belgique à l’âge de dix ans et a toujours su qu’il voulait faire de la cuisine son métier. Après ses études au Ceria, il intégrera La Maison du Cygne, puis le Sheraton où il officiera en cuisine presque deux ans. Au cœur de brasseries belges et maisons méditerranéennes, il peaufinera son art, glanant à gauche et à droite de nouvelles techniques et inspirations.
De son côté, Fon a également évolué dans l’univers de la restauration puisqu’elle a aidé ses parents en salle, au « Noï » de Linkebeek.
« Nous nous comprenons bien, puisque notre métier nous rapproche et que nous avons trouvé un équilibre, Fon gérant la salle, les réservations et moi, derrière les woks ! », apprécie le chef, 37 ans, qui forme un couple avec Fon, 36 ans, depuis près de 20 ans !
Ensemble, ils ont deux filles, Jade, 8 ans et Mila, 13 ans, qui voudrait suivre les traces de son père. L’adolescente rêverait d’ailleurs de se rendre un jour aux Etats-Unis, parce que c’est un pays « qui concentre vraiment toutes les cuisines du monde », relève son père. Lui-même projette, d’ouvrir, vers 50 ans, un établissement dans son pays d’origine et espère que Mila l’y épaulera…
Le partage est sans doute l’un des mots qui revient le plus souvent dans la bouche de Tan. Quand il le prononce, son visage s’illumine et ses yeux brillent instantanément.
Partager sa passion, avec son épouse, ses filles, ses amis, les clients qui poussent la porte de son enseigne, c’est l’une des raisons de vivre du cuisinier.
Une fois par mois, avec des homologues, il va manger au restaurant. En groupe d’une quinzaine de chefs et sommeliers, ils se rendent dans l’établissement qu’ils ont choisi ensemble et ils échangent ensuite à table sur leurs découvertes, des produits, des techniques, des saveurs, des associations d’ingrédients.
« Il n’y a pas de concurrence entre nous, mais une vraie solidarité. Vous savez, le soleil brille pour tout le monde ! », savoure Tan Maïnoï.
Maïnoï sublime certains produits d’artisans du Brabant wallon comme « Capucine à Table », qui lui procure des fleurs comestibles ou Guigui’s Farm, ferme maraichère de Wauthier-Braine…
Reconnaissance des Guides et validation des clients…
Quand on lui demande d’associer « cuisine » à d’autres termes, le chef énonce, sans hésitation, outre le « partage », les mots « réconfort » et « créativité ». Il est vrai qu’il décline la gastronomie thaï dans des plats parfois audacieux en y associant des produits du terroir belges, entre tradition et modernité. C’est une spécificité qui a dû contribuer à séduire le guide Gault&Millau, qui lui octroie un 13,5/20 et le Guide Michelin qui le répertorie, depuis 2022, dans son « Bib Gourmand », le label décerné pour les établissements proposant « une cuisine soignée à prix modéré ».
Et Maïnoï a aussi été élu « Asiatique de l’Année 2025 » par le Gault & Millau ! « On ne s’y attendait pas, mais c’est une très belle reconnaissance de notre travail », s’exclame Tan.

Celui dont l’épice préférée est le curcuma « sous toutes ses formes, frais, séché, en bâtonnet » (sic), avoue adorer explorer à l’infini, dans ses « suggestions », les mariages les plus inattendus. Le boudin noir et gris d’une ferme de Dworp ? Il l’agrémente avec une sauce asiatique et de la burrata qui adoucit le côté pimenté. Le vol-au-vent au coucou de Malines ? Il le prépare au lait de coco. Le canard ? Il le relève avec du basilic thaï et des piments…
Ces alliances étonnantes et détonantes dynamisent tant les viandes que les poissons ou les crustacés que le chef apprécie tout particulièrement de travailler, tant le crabe, que la langoustine et le homard qu’il inscrira prochainement sur son tableau de suggestions.
« Des raviolis de homard avec sauce écrevisse, anguille fumée, lait de coco », précise-t-il.
Et côté vin aussi, les amateurs seront comblés puisque plus de cent références sont à la carte, dont de belles bouteilles !
Décidément, cette adresse asiatique n’a pas fini de surprendre, mais le plus déroutant est sans doute l’optimisme inébranlable de celui qui en tient les rênes !
Il a ouvert son Maïnoï en mars 2020, cinq jours avant le confinement, sans que cela n’ébranle sa certitude que la « sauce prendrait ». Pari tenu : l’endroit ne désemplit pas !
Et, plutôt que de relever les contraintes d’un métier, qu’il peine, d’ailleurs, à recenser, le chef n’en conserve que les bons côtés, comme le plaisir et la fidélité des clients ou, tout simplement, la fierté d’avoir réussi une sauce savamment élaborée…
« Je sais pourquoi je fais mes lacets tous les matins ! » conclut-il, son éternel sourire accroché au visage.
MAÏNOÏ – Chaussée Reine Astrid, 34 à 1420 Braine-l’Alleud – 0484/39.80.01 – www.mainoi.be
