Wallonie

Accord UE-USA : un mauvais deal qu’il faudra soutenir

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(Photo Gerd Altman / Pixabay)

Le président américain a annoncé hier la conclusion imminente d’un accord commercial entre les États-Unis et l’Union européenne. Si les contours de ce probable accord sont connus, les détails restent à préciser. Une conclusion s’impose cependant, les entreprises européennes se seraient bien passées de ce « deal », mais le pragmatisme doit s’imposer, car cet accord limite les dégâts majeurs qu’aurait entrainés une guerre commerciale ouverte.

Un accord cadre pour éviter une guerre commerciale imminente

Ce dimanche 27 juillet 2025, après plusieurs semaines de négociations particulièrement tendues, le président américain Donald Trump et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont annoncé un accord-cadre transatlantique. Le principal point : un tarif de 15 % sur la plupart des produits importés de l’UE vers les États-Unis, contre une menace initiale allant jusqu’à 30 % voire 50 % pour de nombreux secteurs. D’un point de vue européen, cet accord vise à éviter une escalade tarifaire entre les deux plus grandes économies mondiales. Parmi les secteurs exclus, certains biens stratégiques bénéficieront d’exemption, notamment les pièces d’aéronefs, certains produits chimiques, les équipements semi-conducteurs ou certains produits agricoles.

En « contrepartie », l’UE s’engage à acheter 750 milliards $ d’énergie américaine (gaz, pétrole, nucléaire) sur trois ans, et à investir 600 milliards $ dans l’économie américaine, avec des commandes dans l’énergie, l’équipement militaire, la pharmacie, l’automobile et autres secteurs. L’ensemble est présenté comme un « deal » majeur, destiné à stabiliser les relations commerciales et à offrir une certaine prévisibilité aux entreprises des deux rives. Toutefois, les détails restent à préciser, notamment en ce qui concerne les investissements, le calendrier, et les conditions d’exécution.

Un compromis forcé pour l’UE, avec des zones d’ombre importantes

Cet accord peut légitimement être perçu par les acteurs européens comme un compromis forcé : le taux de 15 % est bien supérieur aux attentes initiales de l’UE, même s’il correspond au taux actuellement en vigueur. Certains observateurs européens regrettent un déséquilibre – notamment l’imposition de tarifs européens plus élevés que ceux appliqués à l’UE par d’autres partenaires, avec peu de concessions sur certains produits sensibles tels les produits pharmaceutiques, éminemment stratégiques pour la Belgique et la Wallonie. Le sort des droits de douane sur l’acier et l’aluminium reste lui pour le moment inchangé à 50 %. Au final, de nombreux aspects clés doivent encore être clarifiés dans les jours à venir et pourraient venir encore nuancer le propos.

Pour les entreprises wallonnes, des défis croissants malgré une meilleure visibilité

Même si l’accord fournit plus de visibilité et de prévisibilité pour les entreprises wallonnes, les futures conditions commerciales avec les États‑Unis risquent d’être encore plus difficiles. Les exportateurs sont déjà fragilisés par un taux de change défavorable, ce qui grignote leurs marges sur le marché américain et intensifie la pression concurrentielle.

Par ailleurs, les exceptions actuellement évoquées ne semblent pas devoir concerner particulièrement la Wallonie, dont la structuration sectorielle des exportations vers les États-Unis semble devoir largement entrer dans le cadre du régime général de minimum 15%. En d’autres mots, les exportateurs wallons seront vraisemblablement confrontés à des droits de douane nettement plus élevés sur le marché américain qu’ils ne l’étaient par le passé.

L’urgence d’un projet stratégique à l’échelle européenne

Pour faire face à ces enjeux durables, il est impératif de relire et appliquer les recommandations du rapport Draghi ! Celui-ci préconise une politique industrielle européenne fortement coordonnée autour d’un projet politique plus ambitieux, des décisions plus rapides, un cadre réglementaire simplifié, et des investissements massifs équivalents à 5 % du PIB européen (soit entre 750 et 800 milliards d’euros par an) pour combler l’écart d’innovation avec les États-Unis et la Chine. D’autres leviers indispensables sont recommandés dans ce rapport : la finalisation de l’Union des marchés de capitaux et un approfondissement du marché unique, la réduction des barrières administratives entre États membres, l’amélioration des compétences, ainsi que le lancement de « bacs à sable réglementaires » pour encourager les startups en intelligence artificielle ou biotech.

Par ailleurs, l’Union européenne devra continuer à conclure d’autres accords économiques et commerciaux à l’image du CETA, des accords avec le Mercosur ou le Japon afin de diversifier ses débouchés et devenir le dernier fer de lance du libre-échange global. Cela exigera un projet politique communautaire très ambitieux, tel que préconisé par Draghi, une politique commerciale et industrielle cohérente, et des investissements publics et privés considérables. La Wallonie, petite économie ouverte parfois ambiguë sur son rapport au commerce mondial, devra pleinement s’inscrire dans cette dynamique, en ratifiant les accords, en alignant ses stratégies sur les initiatives européennes et en jouant un rôle actif dans les initiatives sectorielles pour accroître ses compétences technologiques et son insertion dans les chaînes de valeur globales.

Enfin, s’il faut rappeler que toute la science économique s’oppose à ce projet protectionniste porté actuellement par les États-Unis, celui-ci est désormais notre réalité : l’Union et ses régions, Wallonie comprise, doivent donc bâtir la voie la plus porteuse possible de prospérité. Cela passera par l’application résolue des solutions évoquées ci-dessus. Complexes et parfois douloureuses, ces réformes constituent néanmoins la seule option positive pour préserver et renforcer la prospérité au sein de l’Union, et de lui redonner pleinement sa voix sur la scène internationale.

(source: Jean-Christophe Dehalu / AKT for Wallonia)

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