Fondée en 2005, Isomatex est une entreprise namuroise active dans les matériaux composites. Sa spécialité : FILAVATM, une fibre composée de différents minéraux (principalement du basalte enrichi) qui trouve son utilité dans les secteurs automobiles, aéronautiques, textiles techniques, éoliens, voire même balistique. Elle est semblable aux fibres de verre ou de carbone, mais avec ses propres propriétés. L’entreprise base toute sa production sur la recette de cette fibre minérale, production qui pourrait atteindre les 400 tonnes par an d’ici fin 2017.
Isomatex est une entreprise du parc Créalys, à Isnes, près de Namur. Elle compte une vingtaine de collaborateurs, chiffre qui pourrait doubler d’ici 2018. Tigran Vartanian, Directeur de la société explique : « Il y a 5 projets très importants qui arriveront à échéance dans le cycle de décision d’ici fin juin. S’il faut patienter, c’est parce que nous sommes dans un marché hautement substitutionnel, avec des produits comme la fibre de verre, de carbone ou encore d’aramide qui concurrencent FILAVATM, qui en plus requiert de longs processus de qualifications et certifications. Rajoutons à ça la mauvaise réputation du basalte, causée par des entreprises ayant tenté le même travail que nous, sans que ce soit concluant. En conséquence, certains clients exigent que les résultats de nos produits soient reproductibles dans le temps. »
Isomatex ressemble à une spin-off, sans en être une. Plutôt que d’être issue d’un centre de recherche, la société a collaboré avec plusieurs d’entre eux, chacun apportant ses propres compétences. Dès le départ, le but était de mettre en place une usine de fabrication de filaments de roche volcanique. Pour la création d’Isomatex, Tigran Vartanian a dû s’entourer d’un pôle d’investissement, constitué d’acteurs publics et privés. Une fois ce pôle mis en place, le prototypage du produit a pu commencer, à grands coups de R&D. En 2010, après 5 ans, la recherche peut enfin laisser la place à l’usinage, et la production industrielle peut commencer.
FILAVA : un produit à haute valeur ajoutée
Si 5 ans ont été nécessaires, ce n’est pas pour rien. La fibre FILAVA est à la fois un produit chimique unique (dans sa composition) mais aussi le résultat d’une combinaison de sources énergétiques et d’équipements optimisés. Le principal outil de la production est le four à induction, un four qui doit atteindre des températures allant de 1560 à 1580 °C, en continu. Face à la complexité du procédé de fabrication, la « recette » de la fibre FILAVATM se doit d’être précise, ne serait-ce que du point de vue des températures de fusion. Si la composition change, cette température change aussi, obligeant les équipements, et les opérateurs, à s’adapter. Pourtant, un bon produit doit idéalement pouvoir répondre à plusieurs demandes, et il en va de même pour les matériaux composites de pointe. C’est là qu’intervient l’ensimage, un enrobage de la fibre qui lui peut être adapté à l’utilisation prévue par les clients d’Isomatex. Il permet par exemple une meilleure résistance à la manutention du produit, qui peut se montrer intense dans des secteurs tels que l’automobile ou l’aéronautique.
Même si la fibre à base de basalte enrichi est unique à Isomatex, elle n’est pas sans concurrence. On peut citer la fibre de verre, de carbone ou encore d’aramide (kevlar). Malgré cette concurrence, le choix peut aisément se baser sur des critères objectifs (solidité, souplesse, résistance thermique, ou simplement le coût). Par exemple, la fibre d’aramide est plus légère, mais résiste moins efficacement à la chaleur que la fibre FILAVATM. Comparée à la fibre de carbone, elle possède un « allongement à la rupture » 4 fois supérieur. Autrement dit, elle est plus élastique, la rendant plus fiable en cas de choc. Mais malgré toutes ces fibres à haute valeur ajoutée, trouver chaussure à son pied reste difficile. En réponse à cette difficulté, des fibres hybrides existent, pouvant combiner les avantages de plusieurs matériaux. Celles-ci sont des mélanges entre les différentes fibres existantes, comme le renfort fibreux sous forme d’un tissu à base de FILAVA-carbone, développé en mai 2016 par Isomatex.
Malgré sa production industrielle, Isomatex se veut écologique, pour deux raisons : les sources énergétiques de la production, et la nature même du produit. L’énergie consommée par la société est principalement électrique (favorisant ainsi les énergies renouvelables), alors que son produit est récupérable. Via un procédé chimique (la pyrolyse), la fibre peut être séparée de son ensimage pour être soit réutilisée dans du béton, soit recyclée et refondue dans les fours d’Isomatex, pour peu que le « batch », le mélange liquide qui donnera la fibre, respecte la recette de base. Des subsides leur ont été accordés pour deux installations écologiques plus spécifiques : un dépoussiéreur, qui permet d’abattre les poussières et gaz nocifs dégagés lors de la production, et un système de purification des eaux, qui convertit l’eau de pluie en eau « process », utilisée dans la chaîne de fabrication.
Un produit belge aux pôles
La production d’Isomatex couvre un large éventail de secteurs, y compris la construction navale. Parmi les navires utilisant la fibre FILAVA, l’un d’entre eux sort du lot : l’Ant-Arctic Lab. Comme son nom l’indique, il reliera les deux pôles de notre planète. Ce projet, une initiative de l’Autrichien Norbert Sedlacek, est un voyage sans escale de 7 mois, à travers des eaux réputées pour leur conditions extrêmes. Le voyage ne se fera pas uniquement par goût du risque : le navire est également un laboratoire de 60 pieds de long (environ 18 mètres), qui profitera du périple pour étudier les calottes glaciaires, l’état changeant des océans, et les conséquences du réchauffement climatique.
Quel rapport avec Isomatex ? La coque du navire. La fibre FILAVA a été sélectionnée pour la fabrication, une sélection réfléchie : « Le choix du produit d’Isomatex repose sur le besoin de produits haut de gamme pour la conception des composants structurales, qui peuvent résister aux contraintes de l’eau saline, et absorber des chocs, parfois violents, en permanence. Ce choix, issu d’une série de tests préalables, prouve qu’Isomatex fournit une solution durable et de qualité à l’Ant-Arctic Lab. » commente Mr. Vartanian. Pour Isomatex, c’est une occasion de se faire connaître, tant le projet a de quoi faire parler de lui. Ce sera seulement dans le courant de 2019 qu’on saura s’il sera couronné de succès, et si Isomatex a été à la hauteur du défi.
ISOMATEX : Scientific Pak CREALYS Rue Camille Hubert n°29 5032 Gembloux (Isnes) Tél : 081/72.86.86 – www.isomatex.com