Cette ingénieure de caractère a créé deux entreprises avant de se mettre au service des pépites technologiques wallonnes à travers WSL depuis 20 ans. Une belle aventure à l’origine de nombreuses success stories…
L’hiver pointe à l’horizon et Agnes Flemal frétille déjà à l’idée d’assouvir une de ses passions : le freeride. Cette discipline à ski pratiquée hors-pistes nécessite au minimum de la rigueur avec un grain de folie, de la maîtrise, de l’audace, de la technique et une bonne condition physique. Un peu à son image finalement. Comme l’association des deux mots : free et ride. La liberté, elle y tient beaucoup. Elle aime dire les choses. Elle apprécie d’avoir un conseil d’administration qui lui laisse de la latitude.
Ride ? Agnes Flemal est toujours en mouvement, elle fonctionne au challenge, elle apprécie la vitesse sur ses planches comme dans les affaires. Elle n’a peur de rien.
Ces traits de caractère se sont peut-être forgés à travers son statut de sœur aînée d’une fratrie. Ses week-ends de jeunesse ? C’était en partie dans l’atelier d’électromécanique familial. « J’ai été baignée dans l’entreprise et dans la technique ». Pas étonnant qu’elle soit devenue ingénieure. La faillite de la société de son père au lendemain de sa remise de diplôme est déterminante. « Il est indispensable d’avoir une bonne maîtrise de la technique ET de la gestion. Je le vois aussi dans les spin-offs. »
Agnes Flemal poursuit donc son cursus en horaire décalé en droit des affaires et se lance dans un premier grand challenge : redémarrer une autre entreprise (Apparelec) sur base de la société familiale, sauvant des emplois. Mission accomplie avec succès, même si, ajoute-t-elle, ce n’était pas son objectif de carrière au départ.
Avec une centaine de travailleurs et une spécialisation dans les systèmes d’automatisation de réseaux de distribution d’eau, son entreprise se trouve à la croisée des chemins avec son statut de ‘grand parmi les petits et de petit parmi les grands’. « Si on est premier sur le marché avec d’excellents produits techniques, il convient de changer d’échelle. Le meilleur moyen est de racheter d’autres entreprises mais je n’en avais pas les moyens. L’option a donc été la vente de l’entreprise. »
Agnes Flemal conserve quand même un produit très technologique (système de vision endoscopique sous hautes températures) mais végétant jusque-là dans l’entreprise. L’ingénieure crée une nouvelle entreprise dénommée Tech-Plus sur base de ce produit qu’elle développe et vend à travers le monde. Elle investit beaucoup, y compris dans une nouvelle unité de production inaugurée le 9 septembre 2001. Deux jours plus tard, ce sont les attentats du 11 septembre et la dégringolade des commandes combinée à une dissension entre les actionnaires. De plus, Agnes Flemal se lasse de parcourir le monde au détriment de sa famille. « Il fallait que je change de mode de vie ».
C’est à cette époque qu’elle tombe sur une offre d’emploi de WSL, à la recherche d’une personne pour lancer cette activité innovante : un incubateur dédié aux spin-offs et start-ups du secteur spatial.
« La description du poste, c’était exactement moi ! ». Agnes Flemal, la Carolo, ne connaît personne à Liège mais fonce et est choisie. « J’ai ainsi débarqué en mode page blanche dans l’écosystème liégeois il y a 20 ans et j’ai été très bien accueillie. » Aujourd’hui, elle vit toujours à Gerpinnes et savoure cette séparation vie privée – vie professionnelle.
« Je me suis retrouvée avec des jeunes ingénieurs dont l’objectif était avant tout de faire de la recherche. Il fallait leur expliquer pourquoi et comment changer de braquet. Aujourd’hui, les étudiants ont compris qu’il est possible de créer sa propre boite et pas seulement d’aller travailler dans une grande entreprise. »
WSL, elle l’a développé librement sur un mode privé en terme de gouvernance, de stratégie, d’évolution, de reporting… Elle n’a cessé de le faire évoluer. « Il faut toujours se remettre en question. » WSL innove en permanence et fait aujourd’hui figure de référence internationale.
Agnes Flemal a gardé quelques dossiers en direct pour rester sur le terrain et conserve des liens forts avec la première génération de spin-offs. Elle se concentre sur la stratégie et la vision. La crise du Covid n’a pas trop malmené les entreprises accompagnées. L’objectif pour 2023 ? « Augmenter le nombre de start-ups dans la deep tech, accélérer la transformation des start-up en PME de croissance en gardant l’agilité et la capacité d’innover. » Encore faut-il en avoir les moyens ; pour pérenniser un outil qui a pourtant fait ses preuves depuis deux décennies chez nous et à l’international, Agnes Flemal se doit aujourd’hui de prendre toujours le temps de « réseauter » pour convaincre de l’utilité de WSL pour la région…
WSL, c’est :
– l’incubateur pour techno-entrepreneurs qui met à disposition son expertise pour un accompagnement en Wallonie et à l’international
– un soutien aux projets technologiques wallons issus des sciences de l’ingénieur
– une équipe de 12 personnes
– des infrastructures sur tout le territoire wallon (Charleroi, Gembloux, Liège, Louvain-la-Neuve, Mons, Namur, Gembloux)
– 20 ans d’existence générant un chiffre d’affaires cumulé de 741 millions d’euros et 1071 ETP
– une communauté d’entrepreneurs de 160 start-ups
– un classement par l’Association internationale UBI-Global (regroupement de plus de 700 incubateurs et accélérateurs dans le monde) parmi les incubateurs les plus performants au monde, voire un des deux meilleurs sur certains critères
BIO EXPRESS
> Née le 14 octobre 1959 à Charleroi
> 1984 : décroche son diplôme d’ingénieure civile informatique et gestion à la faculté Polytechnique de Mons
> 1984 : dans la foulée, elle reprend l’atelier d’électromécanique familial en difficulté, pour le transformer en une entreprise (Apparelec) spécialisée dans les systèmes d’automatisation de réseaux de distribution d’eau.
> 1987 : est post graduée en droit des affaires à l’Université libre de Bruxelles.
> 1996 : revend l’entreprise Apparelec au groupe CFE
>1996 : crée la société Tech-Plus qui conçoit et fabrique des systèmes de vision endoscopique sous hautes températures, notamment pour les cimentiers, les sidérurgistes et les verriers
> 2002 : est engagée pour diriger et développer l’incubateur WSL, tout juste lancé
> 2020 : fête les 20 ans de WSL, une référence en la matière
– 2 enfants
– Plutôt sportive, avec une prédilection pour le ski (testeuse de matériel aux 2 Alpes !) et le freeride
– Aime la cuisine et la lecture
DU TAC AU TAC
Mes plus grandes qualités
Je suis sans doute déterminée et tenace. Je suis également très innovante pour avoir un coup d’avance ; je pratique beaucoup de veille technologique et je m’abreuve de nombreuses informations qui me nourrissent. On me reconnaît comme pionnière dans certains domaines.
Mes plus grands défauts
Je suis très instinctive et parfois impatiente car j’aime que tout aille vite. Je suis également trop directe. J’ai en effet tendance à dire ce que je pense, à aller droit au but ; ce n’est pas toujours politiquement correct…
Coup de génie
L’appui d’une équipe de qualité qui a, entre autres, créé MatMaX®, un outil destiné à connaître et faire évaluer l’état de maturité d’un produit. Pour être plus vite sur le marché et croître plus rapidement. Nous l’avons mis en open source et il a été adopté par les universités, l’Awex, les investisseurs,… en Belgique et à l’international.
Coup de cœur
J’ai contribué à créer l’aide CXO qui permet d’adjoindre aux ingénieurs – et de financer partiellement – un businessman d’expérience. On forme ainsi des binômes permettant aux entreprises de réduire la phase de démarrage. Plus de 80 sociétés ont bénéficié de cette formule financée à hauteur de 50 pc par la Sowalfin.
Coup de gueule
L’éparpillement des moyens. Le paysage de l’accompagnement de la PME reste diffus.
Si c’était à refaire
Je ne referais pas les mêmes erreurs, bien qu’elles m’aient enrichie et que ces enseignements sont à la disposition de WSL. L’évolution de WSL est intéressante, mais je perçois bien le chemin encore à parcourir. Je suis une éternelle exigeante de moi-même. Il y aura toujours du boulot à faire à WSL. Et il est important de ne pas s’accrocher à des positions ou à des fonctions. Je n’ai pas d’œillère par rapport à la mise à disposition de mes expériences au service d’autres missions.
WSL (siège) : Val Benoît – Quai Banning 6 à 4000 Liège – 04/367.30.63 – info@wsl.be
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