Le terril du Hénâ, petit ruisseau affluent de la Meuse, est une sorte de terril inversé. Pendant vingt ans, de 1952 à 1972, Electrabel a déversé dans une vallée située sur les hauteurs des Awirs, à la limité d’Engis et de Flémalle, 2,3 millions tonnes de déchets industriels de la centrale électrique au charbon située en bordure du fleuve, à deux kilomètres de là. Il s’agissait essentiellement de résidus très volatiles appelés cendres volantes, transportés par des wagonnets qui surplombaient la grand’route reliant Liège à Huy.
Matière première pour les cimenteries
Aujourd’hui, les wagonnets sont remplacés par une bande roulante de 1,7 km qui assure le trajet en sens inverse. Les cendres volantes sont transportées vers la Meuse et achenminées par bateau vers trois cimenteries situées à Lixhe et dans la région de Tournai.
En 2016, la société Recybel, association d’Engie-Electrabel et de deux groupes cimentiers, CBR et CBB, a entrepris, pour des raisons de sécurité, d’évacuer les cendres du terril et de les valoriser dans des cimenteries. Plusieurs composants, en particulier l’alumine, permettent de remplacer en partie des éléments naturels, comme le sable et la bauxite, nécessaires à la production du clinker puis du ciment. Un bel exemple d’économie circulaire dont l’objectif est de privilégier le recyclage plutôt que l’utilisation des matières premières, souvent importées de très loin. C’est précisément le cas de la bauxite extraite dans le sud de la France et en Afrique.
En Wallonie, les terrils, on connaît !
« Après cinq ans de fonctonnement, explique Jean-Benoît Collée, administrateur délégué de Recybel, je suis heureux des résultats obtenus. 800.000 tonnes ont déjà été évacuées et recyclées. Il s’agit d’un projet socio-économique dans lequel le savoir-faire wallon fait réellement figure de pionnier. Nous avons développé une véritable expertise. J’en suis très fier alors que l’actionnariat de notre société est franco-italo-allemand ! Des visiteurs sont déjà venus de Pologne, où les centrales au charbon sont encore très nombreuses, et cela pourrait à terme nous offrir d’autres débouchés. Mais pour l’instant, l’intérêt est d’abord local. Nous approvisionons trois entreprises situées en Wallonie, nous en faisons travailler d’autres sur le site, notamment la société flémalloise Cop&Portier qui assure l’extraction des cendres et la manutention. »
Bon pour la planète
Grâce au recyclage des matières premières, l’économie circulaire contribue à la protection du cadre de vie mais ce n’est pas le seul aspect environnemental du chantier du Hénâ. Avec l’utilisation des cendres volantes de charbon, les fours des cimenteries, qui atteigent des températures de 1350°, économisent 4 % de CO2. En outre, l’acheminement est assuré par la voie fluviale, plus écologique, qui produit quatre fois moins de CO2 que le transport par camion. Et grâce à la réutilisation de l’alumine présente en grande quantité dans les cendres volantes, la diminution de l’importation de la bauxite, dont on extrait l’aluminium, réduit aussi la pollution.
A raison d’un peu moins de 200.000 tonnes par an, Recybel prévoit de terminer le chantier en octobre 2029. Il restera alors à Engie-Electrabel à réaménager ce site de 20ha et de rendre cette petite vallée de 40 mètres de profondeur à sa biodiversité originale. En 2030, on reverra donc le petit ruisseau couler vers le grand fleuve comme quatre-vingts ans plus tôt.
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