Coopératives, ETA, libérées, familiales, dirigées par un tandem ou un trio, fruit d’un management by out, etc.: nous sommes partis à la rencontre d’entreprises qui ont un modèle particulier. Aujourd’hui, rencontre avec Laurent Provost, CEO d’Automation & Robotics à Verviers.
QUELLE EST L’ACTIVITÉ PRINCIPALE DE L’ENTREPRISE ?
Automation & Robotics, créée en 1983 par Christian Closset, fabrique des instruments et des machines pour le contrôle, le traçage et la gravure de verres de lunettes, à 99 % pour l’exportation.»
POURQUOI LA SOCIÉTÉ EST-ELLE ARRIVÉE AU MODÈLE D’ACTIONNARIAT SALARIÉ ?
« Le modèle a été initié en 2019 par son fondateur qui trouvait normal que cette entreprise revienne à ses employés de la maison-mère à Verviers, ceux-ci ayant contribué à son développement, plutôt que la vendre à un groupe industriel. Pour son processus de transmission d’entreprise, la société a été accompagnée par Wallonie Entreprendre qui a pris 25 % des parts. Sur 110 personnes en Belgique, une centaine participent au rachat de la société.»
QUELLES SONT LES CONDITIONS POUR PARVENIR À CE MODÈLE ?
« Il faut un an d’ancienneté dans la société pour pouvoir participer au rachat. Une partie des résultats annuels de la société est versée sous forme de primes à l’ensemble des employés. Lorsqu’ils touchent leur prime, ils doivent en réinvestir 70 % ou plus dans le rachat des parts. »
QUEL EST L’IMPACT SUR LA GOUVERNANCE ?
« Dans une entreprise qui revient à ses employés, il s’agit de les accompagner, de revoir le système de gouvernance pour qu’ils puissent devenir intrapreneurs et avoir leur mot à dire. C’est aux managers de faire évoluer l’écosystème. L’organisation pyramidale doit devenir plutôt circulaire. Des métiers se rassemblent autour d’un service clients.»
QUELS SONT LES AVANTAGES DE CE MODÈLE ?
« On fait face à une pénurie de talents, mais être dans ce modèle économique nous permet d’avoir des candidats intéressés de devenir intrapreneurs. Ce côté pionnier nous permet de recruter des profils que nous n’aurions peut-être jamais recrutés sans ce nouveau modèle économique. »
QUELS SONT LES CHALLENGES ?
« Devenir intrapreneur, c’est une manière d’appréhender le risque, et cela doit s’apprendre. Nous communiquons aussi de manière différente. Cette vulgarisation demande un accompagnement sur la manière de cogérer, de prendre des décisions, de lire un bilan… C’est un défi. En management aussi. Un gros travail est à faire en matière de posture de leader. L’actionnariat salarié est là pour permettre à l’entreprise de se déployer, pas pour alimenter l’ego de managers. Un changement de culture très important.»
COMMENT EST-CE PERÇU PAR LE PERSONNEL ?
« C’est très bien perçu.»
ET PAR LES BANQUES, LES FOURNISSEURS, LES CLIENTS ?
« Avec ce modèle, on apporte aux banques certaines garanties qui nous permettent d’accéder aux emprunts nécessaires. Et que Wallonie Entreprendre soit dans le conseil d’administration est important aussi. En 2023, 33 % de la société appartient déjà aux employés, désormais majoritaires par rapport à Wallonie Entreprendre. Les visiteurs, clients, fournisseurs, candidats, découvrent une ambiance particulière, des gens heureux d’être là. C’est une des conséquences positives de ce qui a été mis en place.»
FAITES-VOUS CONNAÎTRE CETTE SPÉCIFICITÉ À L’EXTÉRIEUR ?
« Beaucoup d’entreprises réfléchissent à la transmission de leur entreprise. Celles qui sont intéressées par l’actionnariat salarié viennent nous trouver. La Smala, coopérative d’entrepreneurs à Liège, a mis en place un programme à ce sujet.»
UN CONSEIL À DONNER ?
« Je conseillerais de profiter de l’expérience de chacun, tout en étant conscient qu’il faut être en ligne avec l’ADN de son entreprise. S’inspirer à l’extérieur, oui, mais pour en faire un projet propre.»