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Originaire de Liège, Cédric Delcour a passé une partie de sa jeunesse à Waterloo, puis s’est installé en 2012, à Genappe. De la cité du Lothier, il rejoint rapidement l’abbaye de Villers-la-Ville dont il est directeur depuis 5 ans. « Je suis certain, ici, que mon emploi n’est pas délocalisable », s’amuse celui qui apprécie de ne plus perdre de temps en trajets.
Le temps, ce jeune quadragénaire en exploite, en effet, chaque seconde car les tâches qu’il doit effectuer sont multiples et variées… Au cours d’une même journée, il se penche tantôt sur les nuisances engendrées par les barrages des castors tout proches, tantôt sur des problématiques de parking ou sur la programmation d’événements.
Absorbé par toutes ces différentes missions, l’ingénieur de gestion s’épanouit pleinement au sein des ruines de l’abbaye cistercienne. Sa profonde « quête de sens » a trouvé son épilogue : continuer à faire passer un patrimoine aux générations futures et, pour ce, analyser toutes les façons de dynamiser un site extraordinaire.
Certes, cela ne se fait pas sans concessions et ce dernier subit parfois certains dommages dus aux activités, à sa fréquentation. Mais le directeur et son équipe s’emploient avant tout à rendre l’abbaye accessible et attrayante pour tous, ouverte sur le monde, dans toutes ses dimensions. Ce joyau est un écrin pour l’art : site privilégié pour des expositions de peintures, photos, sculptures, il est aussi une scène somptueuse en pleine nature pour des représentations théâtrales, des concerts…
A peine entré en fonction, Cédric Delcour insistait sur son ambition de continuer à le faire rayonner à l’échelle nationale et… internationale !
Le bilan de son prédécesseur, Patrick Fautré, fut excellent au terme de ses 6 années de direction de l’ASBL (de 90.000 à 160.000 visiteurs et jusqu’à 70 activités annuelles). Le Genappien, de son côté, a repris le flambeau vaillamment, confiant dans le potentiel incroyable de l’Abbaye…
Il nous confie son coup de cœur et des coups « de génie » et « de force » menés avec son équipe d’une trentaine d’équivalents temps plein dont il loue la flexibilité…
COUP DE GENIE
Les débuts de Cédric Delcour en qualité de directeur de l’ASBL Abbaye de Villers-la-Ville furent quelque peu mouvementés. « Je suis arrivé en pleine crise COVID, ce qui n’était guère un moment propice, notamment pour rencontrer les partenaires institutionnels avec lesquels l’abbaye travaille… Mais en même temps, j’ai plutôt pris cela comme un défi, une opportunité. La « machine » était à l’arrêt, comment pourrions-nous la relancer ? Traditionnellement, notre exposition en hiver dope la fréquentation. A la réouverture, en mai, nous avions « grillé » notre exposition d’hiver et nous étions encore dans une totale incertitude.
Mais en 2020, la Fondation Folon avait 20 ans ; malheureusement, des célébrations ont dû être annulées, mais nous avons rebondi, en mettant en place, avec leur collaboration, une exposition d’une vingtaine de sculptures originales et monumentales de l’artiste ; ces œuvres placées au cœur de notre site cistercien, au milieu des vieilles pierres et de la verdure, étaient somptueusement mises en valeur. Nous avons ouvert seulement quelques jours avant le 2è confinement ! Heureusement, nous avons été intégrés à la liste des « Musées de plein air » qui pouvaient continuer à accueillir le public. Nous avons scrupuleusement respecté les prescriptions en nous réjouissant de pouvoir contribuer à ce que des familles, amis, puissent se retrouver en toute sécurité, tout en admirant la beauté du site et des sculptures d’un grand artiste belge ».
COUP DE CŒUR
« Mon coup de cœur va à la polyvalence… Celle du site et de notre équipe aussi ! A l’abbaye, se déroulent tant des concerts rocks que des activités plus « méditatives » ; on peut y tenir quelque chose d’intimiste comme un événement de grande ampleur, avec la capacité de nos collaborateurs de déployer cela autour de tous les aspects : entretenir le site, l’animer, le faire vivre ! Nous avons mis en place un modèle qui fonctionne, avec une logique « événements, patrimoine et tourisme ». Et tout se fait écho, tout est cohérent. Ainsi, notre boutique propose des articles locaux de qualité et notre bistro travaille aussi avec des producteurs locaux ».
« Nous ne sommes pas concentrés sur un seul secteur et notre modèle mixte – tourisme, culture, événementiel – est résilient ».
COUP DE FORCE
« Un beau coup de force, c’est le transfert de propriété enfin réalisé. L’essentiel du site – les « ruines », était propriété du Fédéral, via la Régie des Bâtiments, alors que le patrimoine ne relevait plus de ses compétences depuis longtemps, mais de celles de la Région (ndlr l’ASBL qui gère tant les ruines que ses annexes, les vignobles et les jardins devait donc se tourner vers les 2 propriétaires, ce qui lui compliquait considérablement la tâche !)
Les négociations ont été longues, puis il y a eu un alignement des planètes avec des interlocuteurs qui ont pu se parler plus naturellement. Au bout du compte, désormais, la Région est seule propriétaire de l’ensemble, et donc, maintenant que l’on a pu concrétiser l’accord, nous pouvons prendre en considération le site dans sa globalité, lui préparer aussi, un avenir à plus long terme, envisager ou poursuivre des travaux de restauration essentiels.
Nous devons relever aussi des défis car les subsides ne connaitront pas d’augmentation pour l’ASBL et nous pensons donc constamment à développer d’autres activités ou à analyser celles qui existent pour les optimiser.
Je vous citerais l’exemple des « Médiévales » que nous poursuivons sous une autre forme. Afin d’adopter une approche plus prudente budgétairement parlant tout en lissant la fréquentation de l’événement sur toute la journée et de le rendre, de la sorte, plus agréable, nous ne tenons plus le grand spectacle de l’après-midi. Par contre, nous proposons davantage de petites animations toute la journée et proposons désormais un droit d’entrée inférieur !
« Même si on n’est plus dans l’aspect religieux pur et dur, ici, à l’abbaye, règne une forme de spiritualité… »
DU TAC AU TAC
La qualité que vous appréciez ?
C.D : « La curiosité ! J’apprécie les personnes qui s’intéressent à tout, qui se posent des questions, qui veulent aller au-delà de ce qu’elles connaissent déjà ».
La qualité qu’on vous reconnait ?
C.D : « Ma capacité d’adaptation, ma polyvalence ou, si vous préférez, mon côté « couteau suisse ». Je m’adapte toujours à mon environnement, j’aime la variété, m’intéresser à un peu tout ».
Le défaut que vous ne supportez pas ?
C.D : « Le manque d’envie d’essayer, les blocages ».
Le don de la nature que vous auriez aimé avoir ?
CD : « Oh, je rêverais de pouvoir voler sans l’aide d’une machine. Donc, je m’imagine bien rapace, pour prendre de la hauteur sur le monde et l’observer en planant, mais aussi oiseau migrateur, qui traverse ce monde naturellement, avec sa propre « boussole ».
Le pays où vous auriez aimé vivre ?
CD : « Les pays nordiques m’attirent davantage que les pays du Sud. En tant qu’étudiant Erasmus, j’ai eu la chance de vivre en Suède durant 6 mois et j’en ai conservé un très beau souvenir. La Norvège me tente aussi, qui est tout à fait grandiose… Ces pays ont des paysages superbes, un mode de vie mélangeant une forme de respect et une chaleur humaine différente de celle des contrées du Sud ».
Votre héros dans la vie réelle ?
CD : « Mon grand-père qui est malheureusement décédé cet été, peu avant de fêter ses 100 ans. Il est resté très curieux jusqu’au bout, actif, impliqué dans la vie de son quartier. Il a vécu comme il l’entendait : il s’est intéressé à l’art, a cultivé cet état d’esprit toujours jeune qui faisait qu’il voyait les autres vieillir, mais pas lui-même (rires). »
Votre devise ?
C.D : « Au pire, ça marche ! Qui ne tente rien n’a rien, en fait. Je suis d’un naturel plutôt positif. Parfois on nous bloque dans des carcans, avec le poids de l’habitude qui n’est pas toujours pertinent. Donc, essayons, car tant qu’on n’a pas essayé, on ne peut pas dire que ça n’a pas fonctionné (sourire) ».
ABBAYE DE VILLERS-LA-VILLE – Rue de l’Abbaye, 55 à 1495 Villers-la-Ville – 071 880 980 – www.villers.be
Membre AKT-CCIBW
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