Une équipe internationale dirigée par des astronomes de l’Université de Liège a découvert trois planètes en orbite autour d’une petite étoile située à seulement 40 années-lumière de la Terre. Ces nouvelles exoplanètes ont des tailles et des températures similaires à celles de Vénus et de la Terre, ce qui rend en théorie possible la présence d’eau liquide à leur surface. Cette découverte est une première mondiale, car, contrairement à toutes les exoplanètes potentiellement habitables détectées à ce jour, l’étude détaillée de la composition de leurs atmosphères est cette fois à la portée des télescopes de dernière génération, rendant enfin possible la première recherche de traces de vie autour d’une autre étoile !
Les trois planètes sont en orbite autour d’une étoile bien plus petite, plus froide, et plus rouge que le Soleil. Cet astre est en fait à peine plus grand que Jupiter, la plus grosse planète du Système solaire. De telles “naines ultra-froides” sont très fréquentes dans la Galaxie, bien plus que les étoiles semblables au Soleil. Jusqu’à ce jour, aucune planète n’avait été détectée autour d’elles, les programmes de recherche se focalisant sur des étoiles plus grandes, plus massives, et plus chaudes.
Ce nouveau système planétaire a été découvert grâce au télescope robotique TRAPPIST de l’Université de Liège, installé depuis 2010 à l’Observatoire Européen Austral (ESO) de La Silla, au Chili. Cette détection a été obtenue dans le cadre d’un programme prototype d’un projet plus ambitieux nommé SPECULOOS, financé par le Conseil Européen de la Recherche et dirigé, lui aussi, par l’Université de Liège. «L’objectif de SPECULOOS et de son prototype sur TRAPPIST est de détecter des planètes semblables à la Terre autour des étoiles les plus petites et les plus froides du voisinage solaire », explique Michaël Gillon, l’astronome de l’ULg à la tête des deux projets et premier auteur de la publication présentant la découverte. «Cette stratégie est motivée par une constatation très simple : ces petites étoiles proches sont les seules pour lesquelles nous sommes capables de détecter de la vie sur une exoplanète de taille terrestre avec la technologie actuelle. Pour tenter de trouver de la vie ailleurs, c’est donc par là qu’il faut commencer ! »
Bien que située dans le voisinage direct du Système solaire, l’étoile abritant les planètes est néanmoins invisible à l’œil nu. En effet, elle émet 2000 fois moins de lumière que le Soleil, la plus grande partie étant de plus émise dans l’infrarouge, invisible à l’oeil nu. « Il faudrait un gros télescope pour pouvoir l’observer dans la Constellation du Verseau », dit Emmanuël Jehin, astronome de l’ULg co-responsable du projet TRAPPIST.
Les trois planètes ont des orbites très serrées autour de leur mini-étoile : les deux plus proches ne mettent que 36 et 58 heures pour en faire le tour, à comparer aux 365,25 jours que met la Terre pour faire le tour du Soleil. L’année sur ces planètes est donc très courte ! La période orbitale de la 3e planète n’est pas encore totalement déterminée, elle devrait se situer entre 8 et 20 jours. « Avec de telles périodes, les planètes sont entre 20 et 100 fois plus proches de leur étoile que la Terre du Soleil ! Au niveau de sa structure, ce système planétaire ressemble en fait plus à celui des lunes principales de Jupiter qu’au Système solaire », poursuit Emmanuël Jehin.
«Les planètes sont très proches de leur étoile, mais celle-ci étant très peu lumineuse, l’irradiation qu’elles reçoivent est similaire à celles de Vénus et de la Terre, ce qui rend possible des conditions de température propices à la vie sur au moins une partie de leur surface », déclare Julien de Wit, un chercheur liégeois expert dans l’étude des atmosphères d’exoplanètes, actuellement en séjour postdoctoral au Massachusets Institute of Technology (MIT, Boston, USA). « Grâce aux futurs télescopes géants en cours de construction, comme l’E-ELT actuellement en préparation au Chili ou le JWST, le prochain télescope spatial de la NASA qui sera lancé dans deux ans, nous allons pouvoir étudier la composition atmosphérique de ces planètes, et y chercher dans un premier temps la présence d’eau puis de traces d’activité biologique. C’est un grand pas en avant dans la recherche de vie ailleurs dans l’Univers ! »
Les masses des planètes sont encore inconnues, ce qui rend leurs compositions internes incertaines. « Nous comptons les mesurer dans les mois à venir, afin de déterminer si ces planètes sont composées essentiellement de roches, comme la Terre, ou si elles sont très riches en eau, comme les satellites des planètes géantes. Ce sont les premières planètes détectées autour de ce type d’étoile, on peut donc s’attendre à tout ! », confie Michaël Gillon.
La découverte initiale par TRAPPIST a été confirmée par plusieurs télescopes de plus grande taille, à savoir le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire Européen Austral à Paranal (Chili), le télescope HCT dans l’Himalaya, et le télescope infrarouge américain UKIRT à Hawaii. Elle a été obtenue par la méthode dite “des transits”, dans laquelle les passages d’une planète devant son étoile créent de petites mais mesurables chutes de luminosité.
Les télescopes SPECULOOS sont actuellement en cours d’installation à l’Observatoire Européen Austral de Paranal (ESO) au Chili. Ils commenceront dès la fin de l’année une recherche intensive de systèmes planétaires semblables à celui-ci, à nouveau basée sur la méthode des transits. « Notre projet prototype ne ciblant qu’un petit échantillon d’étoiles ultra-froides, cette détection extraordinaire suggère que les planètes de taille terrestre sont très fréquentes autour d’elles. SPECULOOS, qui observera dix fois plus de cibles et avec une plus grande précision, devrait donc en détecter de nombreuses autres, se plaçant ainsi à l’avant-garde de la recherche de vie ailleurs dans l’Univers. Avec cette découverte, notre nouveau projet va donc commencer sous les meilleurs auspices ! » conclut Michaël Gillon.