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Sang-Hoon Degeimbre : un entrepreneur deux étoiles

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Sang-Hoon Degeimbre est un Chef reconnu qui a créé une forme d’art, « s’appuyant sur les nouvelles techniques et jouant avec les saveurs et les textures » pour citer le Guide Michelin. Mais le cuisinier est aussi un chef d’entreprise qui se déploie au départ de son restaurant ‘L’Air du temps’ à Liernu.

La ferme blanche en carré est plantée au milieu des champs de Hesbaye à Liernu, près d’Eghezée. L’immense baie vitrée de la salle à manger contemporaine donne sur le vaste potager. Sang-Hoon Degeimbre sort des cuisines pour nous accueillir, en toute simplicité et avec le sourire. Ce lieu, c’est aussi son œuvre. La connexion avec la nature est évidente. « Mon père est issu d’une famille de fermiers », souligne le Chef doublement étoilé. « Le lien est donc naturel pour moi. »
Sang-Hoon Degeimbre a apprécié les produits locaux dès sa première place comme apprenti dans un hôtel-restaurant. Le presque quinquagénaire se destinait pourtant à la pharmacie. « Mes parents m’ont proposé la cuisine car j’aimais bien manger » se souvient-il. « Quand j’ai commencé dans la restauration, je ne me voyais pas faire autre chose ». Un bref passage à l’école d’hôtellerie de Namur, un apprentissage dans une école de boucherie, le service militaire et voilà le jeune homme employé dans un restaurant étoilé. « Mais je travaillais en salle et pas en cuisine malheureusement ! ». Avant de briller derrière les fourneaux, Sang-Hoon Degeimbre se distingue comme sommelier dans différents établissements. Il sera même deux fois vice-champion de Belgique.
Mais le citoyen de Liernu a une âme d’entrepreneur. « Ouvrir mon propre restaurant était pour moi une évidence, même si je ne mesurais peut-être pas toutes les conséquences et obligations d’un tel choix. Pour avoir son établissement, il ne suffit pas d’être cuisinier. »

Le pas est franchi en juillet 1997. « Avec mon épouse, nous avons rénové une ancienne friterie avec cuisine à 5 km d’ici. Nous avons carrelé, fait la plomberie et les menuiseries, etc. » Le jeune entrepreneur est ambitieux mais prudent. « Nous avions minimisé les risques et investi 120.000 €. La maison pouvait nous servir de logement et notre plan d’affaires assurait la rentabilité avec 30 à 40 couverts par semaine. »
L’activité démarre avec trois personnes : Sang-Hoon Degeimbre, son épouse en salle et un cuisinier. « J’ai commencé à cuisinier le jour de l’ouverture » lance-t-il. « Je savais que je pouvais le faire mais j’étais conscient que j’allais être limité. Et je ne comptais pas ouvrir un livre de cuisine et reproduire des recettes sans gloire. J’ai souhaité comprendre ce qu’était la cuisine. »

Sang-Hoon Degeimbre suit alors un séminaire de gastronomie moléculaire avec notamment différents tests en laboratoire à Paris. « Je me suis rendu compte que la cuisine, c’est de la physique et de la chimie ». Ce n’était pas pour déplaire à celui qui aime les sciences. « Quand on en a conscience, de nouvelles voies s’ouvrent. » C’est évidemment enthousiasmant pour un homme curieux de nature, qui cherche à comprendre les choses.
C’est aussi à cette époque que germe dans l’esprit d’un de ses amis l’idée de créer un potager. Le Chef adhère directement à cette proposition. « Il nous manquait de bons et beaux légumes. Or l’esthétique accentue les perceptions gustatives.  La technique et les produits sont indispensables et accessibles à tous les Chefs, mais ce qui fait la beauté, c’est l’émotionnel géré par l’humain, qu’on donne ou qu’on reçoit. Ce triptyque est le canevas de toutes les cuisines créatives. »

L’approche fonctionne puisque Sang-Hoon Degeimbre reçoit une première étoile du guide Michelin en 2000. Une récompense inattendue pour un restaurant dont le mobilier provient en partie de récupération. Selon le chef, cette étoile distingue donc la qualité de la cuisine : de bons produits et une juste exécution. Le couple venait de décider l’agrandissement de l’établissement qui bénéficiera d’une 2e étoile en 2008.

A l’étroit, Sang-Hoon Degeimbre tombe sous le charme de l’ancienne ferme qu’il transforme durant 6 mois en restaurant avec chambres d’hôtes, et potager de 5 ha. Le succès est au rendez-vous et l’équipe atteint une taille de 25 personnes. « J’ai accepté que ma fonction évolue. Etre cuisinier, c’est le métier le plus complet : charcutier, boulanger, jardinier, comptable, psychologue, etc. » explique celui qui accorde une grande importance au people management.

Le goût pour l’entrepreneuriat l’a aussi conduit à décliner la ligne ‘San’ en ouvrant des restaurants à Bruxelles et à Gand où il a placé des membres de son équipe. « Je souhaite valoriser les personnes fidèles et les faire évoluer, avec en plus la volonté d’offrir une gastronomie accessible au plus grand nombre. »

Sang-Hoon Degeimbre se trouve ainsi à la tête de plusieurs établissements et dirige près d’une cinquantaine de personnes. Très sollicité, le Chef voyage partout dans le monde, y compris dans sa Corée natale. « J’ai découvert un pays dynamique qui m’a beaucoup appris, notamment sur les jardins et les procédés de conservation comme la lacto-fermentation ». Ravi de figurer dans les 500 meilleurs restaurants du monde, il serait ravi de recevoir une 3e étoile. « Une telle reconnaissance ferait rayonner la Wallonie dans le monde, car ce serait unique. »

L’AIR DU TEMPS, C’EST

– un des rares établissements gastronomiques wallons aussi plébiscité : 2 * au guide Michelin, 18,5/20 au Gault & Millau, Chef de l’année Gault & Millau 2016,…
– une ferme hesbignonne à Liernu (Eghezée) abritant le restaurant, 11 chambres d’hôtes et un potager de 5 ha
– une déclinaison ‘San’ à travers 2 restaurants à Bruxelles et 1 restaurant à Gand
– une équipe de 45 personnes (parmi lesquelles 25 sont actives à Liernu)
– un entrepreneur libre et indépendant qui a développé tout son business seul, sans investisseur ou groupe à ses côtés

BIO EXPRESS
> Né le 5 août 1969 en Corée
> 1974 : arrive en Belgique avec son frère
> 1984-1988 :  suit une formation en boucherie et un apprentissage en Catering and Business management
> 1988-1989 : fait son service militaire à Siegen en Allemagne
> 1989-1997 : gravit les échelons en salle et devient sommelier. Il travaille successivement dans différents établissements : le Pré Mondain* à Heure-en-Famenne, au Vivier d’oies* à Dorinne, à La Truffe Noire* à Bruxelles, au Petit Versailles* à Gosselies, à La Salicorne à La Hulpe et L’Eau Vive* à Arbre
> 1997 : ouvre son premier restaurant ‘L’air du temps’ à Noville-sur-Mehaigne
> 2000 et 2006 : reçoit respectivement sa 1ère puis sa 2e étoile au Guide Michelin
> 2012 : déménage son restaurant dans une ferme à Liernu où il aménage aussi des chambres d’hôtes
> 2001-1018 : reçoit de nombreuses distinctions et est invité aux quatre coins du monde
> Enseigne la cuisine moléculaire et donne des cours à l’Institut Meurice à Bruxelles et à l’Académie Vieusart
> Auteur ou co-auteur de diverses publications

Coup de cœur
« Je suis ravi d’observer l’évolution des garçons sortis de chez moi : 7 d’entre eux sont étoilés ! C’est l’aboutissement d’une transmission de philosophie, d’une façon d’être, et non de recettes. »

Coup de gueule
«  Belges, réveillons-nous et soyons fiers d’être ce que nous sommes ! Beaucoup de Belges sont incapables de voir la richesse de leur pays. Il vaut souvent mieux briller à l’étranger pour être remarqué à l’intérieur. Nous avons un réel problème de fierté. »

Coup de génie
«  J’ai toujours été un peu précurseur au fil de ma carrière avec la création d’un jardin, l’approvisionnement auprès de producteurs locaux, le travail en cuisine moléculaire, etc. »

DU TAC AU TAC

Quelles sont vos plus grandes qualités ?
Je suis persévérant, honnête, sincère, à l’écoute et tolérant.

Et vos plus grands défauts ?
Jusqu’au-boutiste avec même la volonté de trop en faire. Je suis aussi trop bienveillant et plutôt soupe au lait, même si je me calme avec le temps.

Une devise ?

Né en Corée, Belge d’adoption et citoyen du monde.
Mais aussi : commettre une erreur une fois, c’est humain. Une deuxième fois, c’est de la négligence.

Et si c’était à refaire ?
Je recommencerais de la même façon, car tout s’est enchainé naturellement. Les rencontres ont contribué à ce que nous sommes aujourd’hui. Etre présent depuis 21 ans donne une assise sérieuse.

L’Air du temps : Rue de la Croix Monet, 2 à 5310 Liernu (Eghezée) –  Tél. : 081/81.30.48 – www.airdutemps.be

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