5.000 emplois perdus (sur les 10.130 recensés par l’Uliège) et 9.000 postes non créés d’ici 2040, de grands risques de départs de compagnies, un aéroport en perte dès 2025,… : le management de Liege Airport a fait ses comptes. Deux conditions d’exploitation (« ajoutées sans aucune concertation avec l’aéroport ni, à notre sens, sans véritable motivation technique ») du nouveau permis d’environnement obtenu fin août auraient des conséquences catastrophiques pour cet acteur majeur de l’économie liégeoise.
En l’occurrence, la direction pointe d’abord un maximum de 50.000 mouvements d’avions par an – alors que son Business Plan prévoit un maximum de 175.000 vols en 2040 – et une limitation des vols de nuit.
L’an dernier, Liege Airport a enregistré 40.000 mouvements, contre 82.000 à Charleroi et 235.000 à Bruxelles. Une différence de traitement incompréhensible selon la direction liégeoise qui s’étonne aussi de l’écart en termes de plaintes : un peu moins de 2000 à Liège en 2021 (dont 1400 proviennent de 11 riverains pour un total de 350 plaignants) contre 22.000 à Bruxelles.
En tonnage de fret, les 1,4 million de tonnes enregistrés en 2021 seraient, selon les projections, réduits à 675.000 tonnes en 2040.
L’autre condition d’exploitation « inacceptable et non équilibrée » pour Liege Airport, c’est la règlementation complémentaire en matière de bruit des avions ; elle devrait entrainer une réduction rapide et progressive des vols de nuit qui pourrait amener à la fermeture de l’aéroport la nuit dans 20 ans. Si la proportion des vols de nuit est tombée de 70 % à 50 % durant ces trois dernières années, il n’en reste pas moins que cette activité reste incontournables pour les grandes compagnies, ne fut-ce que pour traiter les marchandises périssables et respecter leur service ‘express ‘, ou parce que la durée des vols long courrier entraine mécaniquement des atterrissages nocturnes.
Un recours contre le permis d’environnement
En terme d’emplois, les ambitions de 19.000 postes affichées dans le Master Plan et Business Plan 2020-2040 – approuvés notamment par les représentants de la Région wallonne, actionnaire – seraient à oublier puisque, d’après les calculs de Liege Airport, l’application du nouveau permis fera rapidement passer l’emploi de 10.130 recensés dans 143 entreprises à 5.000.
La direction de Liege Airport émet également des craintes quant à la valorisation des 200 ha de terrains voisins si le développement de l’aéroport est coupé dans son élan.
Elle regrette aussi que le nouveau permis ne prend pas en compte les évolutions technologiques dans le secteur aérien, en terme notamment de réduction de la consommation de carburant et de bruit. Et de rappeler la disproportion entre « ‘l’aviation bashing’ et le poids réel de l’aviation dans le réchauffement climatique (4 pc selon les rapports du GIEC) »
Liege Airport a donc introduit un recours contre le permis d’environnement qu’elle a reçu fin août.
« Nous avons entendu le message du permis » assure Marc Renouprez, président de Liege Airport. « Nous souhaitons être constructifs et travaillons à des solutions afin d’assurer une mise en balance adéquate des intérêts environnementaux et économiques en présence. »
Plusieurs entreprises actives sur le tarmac liégeois ont également introduit un recours.
On imagine aisément que leurs arguments vont à l’encontre des autres recours déposés notamment par des communes liégeoises, limbourgeoise et hollandaise.
Au final, 26 recours ont été introduits à la Région wallonne.
Une rupture
Le permis actuel marque en tout cas une rupture dans un dossier pour lequel les décideurs politiques wallons avaient pourtant une vision à long terme pour leurs deux aéroports. La Région investit en effet massivement depuis au moins deux décennies dans les infrastructures liégeoises, en plus des rachats de maisons et des insonorisations qui atteignent un montant de plus de 400 millions d’euros. Ce revirement étonne beaucoup d’observateurs et pourrait inquiéter également la direction de l’aéroport de Charleroi qui devra obtenir le renouvellement de son permis d’urbanisme d’ici 2025.
Le Gouvernement wallon devra se prononcer au plus tard pour la mi-janvier. Voilà un dossier capital pour la région liégeoise qui devrait exacerber les tensions au sein de la majorité wallonne, et particulièrement entre le MR et Ecolo.
(photo Liege Airport)