Pour CCI mag’, le Docteur Géraldine Notté, conseiller en prévention-médecin du travail au groupe CESI, a répondu à nos questions concernant la nouvelle procédure pour la rupture de contrat de travail pour force majeure médicale et le trajet de réintégration des travailleurs en incapacité de travail…
CCI mag’ : Qu’entend-on par « arrêt de travail de longue durée » ?
G.N. : « Il n’y en a pas vraiment de définition précise. Lorsque le gouvernement l’évoque, il fait généralement allusion à une personne en invalidité, sous certificat depuis un an ou plus… »
CCI mag’ : Le nombre de personnes en arrêt de travail de longue durée en Belgique a-t-il augmenté de manière significative ces dernières années?
G.N. : « Oui, il est en augmentation constante, ces dernières années. Alors qu’en 2007, 250.000 personnes étaient dans ce cas, aujourd’hui, ce sont 450.000 personnes, en Belgique, qui sont en invalidité depuis un an, minimum !
Un constat me frappe : l’an passé, notre pays comptait 270.000 demandeurs d’emploi, un nombre largement inférieur à celui des incapacités de travail de longue durée ! »
CCI mag’ : Quelle proportion de ces incapacités de longue durée pourrait être liée au type de travail, en tant que tel ou à l’environnement de travail ?
G.N : « On établit que le tiers de ces incapacités relève de troubles mentaux, un autre tiers, de troubles musculosquelettiques, le 1/3 restant est dû à d’autres « pathologies diverses ». Donc, c’est une partie non négligeable des problèmes de santé, les 2 premiers tiers évoqués, qui pourrait résulter ou être accentuée par le travail en lui-même, l’environnement, les conditions de travail et certaines mesures qui y seraient prises pourraient améliorer la situation ».
CCI mag’ : Précisément, pourriez-vous nous rappeler l’objectif du « trajet de réintégration » et les réformes qui ont été récemment apportées ?
G.N : « Il s’agit d’encourager, de soutenir la réintégration au travail de la personne qui est en incapacité depuis un certain temps… »
Le dispositif existe depuis 2016, mais il n’est pas obligatoire.
Depuis la fin de l’année passée, de nouvelles dispositions ont fait leur apparition. Le plus gros changement, dans la législation, est que l’on a scindé trajet de réintégration et rupture de contrat de travail pour cause de force majeure médicale… »
CCI mag : « Pourriez-vous développer » ?
G.N : « Avant, pour envisager la rupture du contrat pour cause de force majeure médicale, il fallait effectivement que cela soit au terme d’un suivi de trajet de réintégration ; dans cette ancienne version, dans la majorité des cas, les décisions prises par le médecin du travail allaient vers une inaptitude définitive à son issue, à moins que la décision ne soit encore postposée.
Aujourd’hui, on donne davantage de chances à une réelle réintégration du travailleur. Lorsqu’il y a une demande de trajet de réintégration, qu’elle vienne de l’employeur ou du travailleur, c’est qu’il y a une volonté de voir la personne réintégrer l’entreprise.
Et ce n’est qu’au terme d’une nouvelle procédure spécifique, l’évaluation médicale pour constater l’impossibilité définitive d’effectuer le travail convenu, entrée en vigueur le 28 novembre 2022, que la rupture pour force médicale majeure peut être invoquée…»
Aujourd’hui, on donne davantage de chances à une réelle réintégration du travailleur ! (G.NOTTE, CESI)
CCI mag’ : « Justement, évoquons cette nouvelle procédure de rupture pour force médicale majeure »
GN : « Elle ne s’appliquera que s’il n’y pas de trajet de réintégration en cours et ce n’est qu’après 9 mois ininterrompus, sous certificat médical, que l’on peut demander une évaluation d’inaptitude définitive. Cela peut être long pour être libéré de son contrat de travail, par exemple, dans le cas d’un burn-out ».
CCI mag’ : « Et le trajet de réintégration » ?
GN : «Dissocié, donc, je le répète, de la procédure de rupture de contrat pour force médicale majeure, son seul objectif est donc, comme son nom l’indique, la réintégration du travailleur ; il a fait l’objet de certaines modifications depuis début octobre 2022.
Le travailleur, dès qu’il est sous certificat médical et/ou son médecin peuvent le demander, ainsi que l’employeur, dans ce cas, après une incapacité de travail de son collaborateur ininterrompue de 3 mois.Trois décisions peuvent en découler :
Soit la personne pourra, à terme reprendre le travail convenu, et en attendant il faut prévoir certains aménagements de son poste de travail, soit le travailleur est inapte définitivement pour le poste défini, mais il pourrait néanmoins effectuer chez son employeur un autre travail/un travail adapté ou alors, il n’est pas possible d’envisager une reprise de travail pour la personne qui reste sous certificat médical (une nouvelle demande de trajet pourra éventuellement être réintroduite plus tard).
Tout le monde joue vraiment le jeu, dans le plan de réintégration où l’employeur est désormais plus largement impliqué.
Si le médecin du travail a indiqué que le collaborateur pouvait reprendre le travail, moyennant certaines adaptations, l’employeur va se pencher sur un plan de réintégration, en s’inspirant des recommandations émises.
Parmi les aménagements, on peut prévoir un temps partiel médical, un allègement par rapport à certaines tâches trop anxiogènes, ou bien le déplacement du travailleur au sein d’une autre équipe… Ce ne sont là que quelques exemples… »
CCI mag’ « En conclusion » ?
G.N : « Plus une absence pour maladie se prolonge, moins le problème de santé initial sera déterminant pour le retour. En fait, ce que je sous-entends par là, c’est que si la personne se sent bien dans son entreprise, elle reviendra plus facilement et que la mise en place d’une politique de bien-être au travail, exercé dans une atmosphère sereine, contribue à limiter les maladies, leur durée.
Tous, je le répète, doivent être acteurs de cette politique et pas uniquement l’employeur : le travailleur, les RH, la délégation syndicale, le service externe de prévention et de protection au travail…
L’employeur, en Comité pour la prévention et la protection au travail, doit, en amont, réfléchir à ce qu’il mettrait en place, si un trajet de réintégration était demandé.
Quant au service externe de prévention et de protection au travail, qui serait averti d’un arrêt de maladie de plus de 4 semaines, il peut sensibiliser le collaborateur à la manière dont il pourrait lui venir en aide pour préparer la reprise, ce qui peut avoir pour effet de limiter la durée de l’incapacité de travail… »
photo en Une : Docteur Géraldine Notté, conseillère en prévention CESI
http://www.cesi.be/itt-rdv : pour les travailleurs souhaitant solliciter un rendez-vous en ligne concernant la demande d’une visite de pré-reprise, d’un trajet de réintégration ou d’une évaluation médicale pour constater l’impossibilité définitive d’effectuer le travail convenu…