Liège-Verviers

Table ronde : Immobilier d’entreprise, les questions à se poser

18 Minute(s) de lecture

L’infrastructure est une préoccupation des entreprises. Même si elles ne doivent pas grandir ou déménager, ce sujet reste important et constitue une la deuxième source de coûts pour une entreprise après les ressources humaines. La crise du covid a modifié certaines habitudes de travail avec un impact sur l’immobilier d’entreprise. État du marché, espaces de travail flexibles, coworking, mutualisations des services, savoir gérer, construire mais aussi entretenir, autant d’aspects que nous avons abordés avec des experts du secteur.

Les participants :
Thomas Chevau, responsable des investissements dans le département immobilier du groupe Noshaq actif sur tout le territoire de la province de Liège. Noshaq est impliqué dans le soutien financier de projets structurants ou stratégiques au service des PME et de l’économie liégeoise au sens large comme la Grand Poste, le Legiapark, Giga, WSL ou le Pôle Image.
Pierre Castelain, porte-parole de Spi, l’agence de développement territorial pour la Province de Liège qui accompagne les entreprises et investisseurs dans leurs projets d’implantation et de développement. Spi gère 65 parcs d’activités sur le territoire provincial.
Jérémie Czagiel, directeur opérationnel de la société XLG active dans les services aux entreprises. Il s’occupe de toute l’activité facility, nettoyage industriel et maintenance.
Christophe Nihon, promoteur et agent immobilier, il est à la tête d’ImmoQuest et Promactif Groupe ainsi que de projets comme Asklépios, Lift-Ô-Loft et le Jardin des Paraboles.
Anne Laurent, Business Manager de Silversquare Liège Guillemins. Le groupe Silversquare propose des solutions flexibles et innovantes d’espaces de travail imaginés avec des artistes.
Jean-Paul Bolette, promoteur et entrepreneur sur la région verviétoise principalement. Sa société Green Construct est porteuse de projets de rénovation urbaine et industrielle.
Laurence Beckers, promotrice immobilière et propriétaire de La Grande Salle, un business center situé à Verviers en face du théâtre.

Quel est l’état des lieux du marché des terrains ?

Pierre Castelain : Les terrains sur le territoire de la Province de Liège comme ailleurs en Wallonie se font rares. Nous travaillons à flux tendu. Nous rivalisons d’ingéniosité pour optimaliser le territoire. Ça peut se faire avec du recyclage territorial, c’est-à-dire préparer des friches pour accueillir des bureaux notamment. Dans les parcs d’activité économique de la province, on veille également à gérer correctement les ventes et reventes notamment en procédant à des rachats.
Les terrains sont rares et il ne s’agit pas de recréer des friches. Dans l’agglomération liégeoise, on a un taux d’occupation de 98% sur nos parcs et sur la province on est à 94%, ce qui reste très élevé. Bonne nouvelle, nous augmentons notre offre, de 45 à 65 bâtiments relais qui sont des bâtiments temporaires. Nous proposons des solutions sur mesure à l’échelle de la province.

En dehors des parcs, est-il difficile de trouver des terrains pour développer des projets ?

Christophe Nihon : Trouver des terrains en activité PME en dehors des zonings des intercommunales en Wallonie est excessivement compliqué au niveau du plan de secteur. Quand on en a un, c’est souvent une démolition/reconstruction ou une friche, mais un terrain vierge en semi-industriel en dehors des intercommunales c’est presque impossible à trouver pour une PME.

Thomas Chevau : C’est un peu le paradoxe : la rareté de ces terrains devrait conduire au recyclage du territoire. À un moment donné, on ne peut pas continuer à étendre des parcs d’activité sur des prairies par exemple sans avoir une réponse adéquate au niveau territorial en recyclant des friches. La rareté crée la richesse. Nous on essaye de la créer sur des friches. Aujourd’hui les entreprises ne trouvent pas et cette absence de solution d’implantation crée un manque à gagner au niveau économique.

Jean-Paul Bolette : Sur la région verviétoise, depuis plusieurs années, on travaille sur des chancres, des anciennes usines et on s’est spécialisé sur les TPE qui ont besoin de 100 à 150 m². Elles doivent rester dans des petits budgets et sont intéressées d’acheter si le coût mensuel est semblable à celui d’une location. On a une demande qui est totalement inassouvie, on pourrait continuer à redévelopper des lieux et à y mettre des indépendants sans aucun problème.
La localisation pour les TPE est un peu moins exigeante que pour la PME qui a besoin d’une situation proche des accès. Pour un menuisier, un plombier ou un artisan, c’est moins fondamental et ça permet de faire des rénovations d’importance et de répondre à la demande dans la région verviétoise.
Verviers est une ville qui doit se recréer, se réinventer et qui, en plus, a dû affronter les inondations et est victime d’un échiquier politique complètement instable. Heureusement, grâce à Noshaq on va pouvoir concrétiser la rénovation d’un bâtiment de bureaux. C’est un signe extrêmement positif pour toute la ville que Noshaq vienne s’implanter à Verviers.
L’autre particularité de Verviers en termes de bureaux c’est que les propriétaires de bureaux ont du mal à les louer et que ceux qui cherchent des bureaux dignes de ce nom n’arrivent pas à en trouver. Il y a vraiment une inadéquation entre l’offre et la demande parce que les bureaux sur le marché datent d’il y a 40 ans et sont obsolètes car on n’y a pas mis un euro de rénovation.

P.C. : On a estimé à 100 à 150 hectares la perte de terrains pour les entreprises à l’occasion des inondations. C’est notamment pour ça qu’on accélère la construction de nouveaux bâtiments-relais. Heureusement, Verviers peut compter sur des parcs de grande qualité en périphérie. Aux Plénesses par exemple, on a une performance territoriale mesurée chez les entreprises qui est assez forte.

A-t-on une idée de ce que les surfaces reconvertibles représentent potentiellement ?

T.C. : Un inventaire des SAR (Sites à Réaménager) a été réalisé il y a quelques années et pointe entre 2000 et 2500 sites à réhabiliter en région wallonne. La difficulté d’aller chercher une friche industrielle, c’est la prise de contact et la négociation avec le propriétaire d’une part et d’autre part le fait que la législation ne pousse pas le propriétaire d’une friche à s’en séparer.
Le travail de prospection est donc très important. Chez Noshaq, nous n’avons pas une équipe suffisante pour faire cette prospection, mais, par contre, en développant une série de projets atypiques dédicacés à nos écosystèmes économiques, on a maintenant des personnes qui viennent frapper à notre porte pour nous dire « on a un projet, on voudrait que vous en soyez ». On participe également à des projets de reconversion avec SPI. Le potentiel est là, mais le travail d’identification n’est pas encore abouti.

C.N. : Le problème c’est que ces terrains ne sont généralement pas bien situés pour les entreprises ou sont trop pollués pour qu’on puisse les utiliser dans l’année qui vient. La friche est certainement une solution, mais c’est une solution du futur. Il y a, par contre, des friches dans les premiers zonings industriels des années 70. Les terrains sont équipés, les permis sont là, on respecte le plan de secteur et les entités publiques ont un rôle à jouer pour réhabiliter rapidement ces sites existants et permettre au privé d’y investir.

T.C. : Ça se fait de plus en plus, la région octroie plus facilement les permis qu’il y a 10 ans et favorise déjà ce type de reconversion. Ils sont conscients que le plan de secteur est une lourdeur administrative conséquente et ils essayent d’améliorer les choses. Un des problèmes, c’est qu’il est actuellement toujours plus simple de chercher un terrain vierge occupé par l’agriculture en bordure de zoning que de réhabiliter un SAR.

P.C. : Sur les 5 dernières années, les reventes entre entreprises dans les parcs représentent pas moins de 136 ha et au niveau recyclage territorial, SPI a recyclé 32 ha directement. Il reste des dents creuses dans les parcs qui représentent aussi des solutions à venir.

Globalement, quel est l’état des bâtiments d’entreprise ?

Jérémie Czagiel : Tout dépend où ils sont localisés. Nous par exemple, on a pris le pari de racheter le bâtiment d’une ancienne exploitation d’abattoir que nous allons totalement rénover pour nos propres activités. Si nous avons fait ce choix c’est parce que ça va beaucoup plus vite au niveau des délais que de démarrer un nouveau permis ce qui peut prendre 2 ou 3 ans de démarches.
Chez nos clients, qui sont pour la plupart des industriels, on a vu la typologie de leurs bâtiments évoluer au fil des années. On voit clairement que lorsque la rénovation est récente l’entretien est beaucoup plus facile pour nous et que lorsque les bâtiments sont plus anciens c’est très compliqué.

Avez-vous connaissance d’entreprises qui en raison du télétravail se retrouvent avec des surfaces trop grandes ?

Anne Laurent : On a des demandes de PME qui, à cause du télétravail, se demandent si elles vont continuer à payer pour de si grandes surfaces alors que nous offrons la flexibilité. Les demandes qu’on a de grandes entreprises sont plutôt des locations temporaires parce qu’ils font des travaux ou qu’ils n’ont plus assez de place et doivent délocaliser des équipes.

J.C. : Nous, on constate des modifications au niveau de l’entretien. Par exemple chez un de nos clients qui pratique 30% de télétravail, ils relocalisent des bureaux dans des espaces partagés où les gens n’ont plus de bureau attitré et le reste de l’espace est réaménagé en salles de réunions qui sont également destinées à la location à des externes ce qui modifie l’affectation et l’entretien. Les habitudes sont en train de changer dans la gestion de leurs espaces. Ils les gardent parce qu’ils ne veulent pas aller trop vite mais les espaces sont partagés.

P.C. : C’est une observation que nous avons faites également au bâtiment du génie civil du Val Benoît où nous proposons tant la possibilité de faire du coworking à la demi-journée que de louer un bureau pour 3 ans. Après Covid, le recours au coworking en solution temporaire s’est vraiment généralisé et est fort demandé. Il est aussi envisagé en lien avec l’organisation d’événements.

T.C. : Chez Noshaq, on n’a pas assez de recul par rapport à l’exploitation de parcs immobiliers puisqu’on a inauguré la Grand Poste un peu après le Covid avec un carnet de commande qui était déjà rempli. Dans les autres projets, on se rend compte que les clients consomment moins d’espaces, que ce sont plus des espaces partagés avec une salle de réunion mutualisée et de plus petits espaces privés pour pouvoir passer un appel au calme ou avoir une réunion à 2 ou 3.
Dans des secteurs comme les banques et les assurances, il y a une sous consommation des espaces qui leur sont dédicacés, ils sont fermés un jour par semaine et proposent 3 jours de télétravail. C’est un peu un paradoxe parce qu’il ne faut pas oublier que l’activité de bureau en centre-ville est un super levier pour l’activité économique d’une ville.

C.N. : Historiquement, il n’y avait pas de centre d’affaires digne de ce nom à Liège. Regus s’est installé dans un petit bâtiment aux Guillemins mais beaucoup plus discrètement que dans d’autres villes parce que Liège n’avait pas cette mentalité. Je pense que maintenant c’est le momentum pour y arriver parce que l’activité économique et les mœurs changent et qu’il y a la place pour cette approche.

Quelles sont vos motivations en tant que gestionnaire de centre de coworking ?

Laurence Beckers : J’adore les challenges et rénover l’espace où j’étais pour le transformer en business center en est un… Maintenant, l’espace coworking est une branche d’activité et un service que je peux mettre à disposition des clients, mais pour le moment ce n’est pas vraiment la demande que j’ai. J’ai un espace lounge, j’ai une salle qui peut accueillir entre 60 et 70 personnes en théâtre qui est régulièrement occupée. Mes bureaux sont complets et j’ai un bureau flex qui est de temps en temps loué à la journée, mais l’espace coworking est très rarement occupé, si ce n’est par les locataires qui l’utilisent quand ils ont envie de travailler ensemble à une grande table.
Je peux difficilement rivaliser avec des banques qui mettent à disposition un espace coworking gratuitement même si on n’est pas client… Il y a très peu d’espaces de coworking dans l’arrondissement de Verviers, mais il y a manifestement peu de gens qui veulent coworker.

A.L. : Ce qui a poussé Silversquare à s’implanter à Liège c’est le fait qu’on est un lieu où il y a énormément de PME. Actuellement, le succès est mitigé et on n’en pas au taux de remplissage espéré. Ce qu’on constate c’est qu’à Liège le prix de l’immobilier est complètement accessible et que les entreprises préfèrent acheter. Pour le prix qu’on propose, ils préfèrent contracter un crédit hypothécaire et gérer comme ils veulent. Même si on a des arguments, qu’on gère tout de A à Z pour les clients alors que dans un bail classique ou un achat il y a une perte d’énergie dans la gestion quotidienne d’un bâtiment, on a du mal à les convaincre. On a des espaces hyperperformants, design et confortables avec des salles de réunion, des cabines et des alcôves, mais malgré tout, le Liégeois a besoin d’avoir son propre endroit. On a beaucoup de demandes mais pas tant de signatures. L’avantage de la situation c’est qu’on offre beaucoup de flexibilité, si quelqu’un me dit « je débarque demain », c’est possible.

C.N. : Pour l’instant, l’image de Liège ville est associée aux travaux. Il faut encore patienter 2 ans, pour l’instant les entreprises s’installent en périphérie.

A.L. : Le problème du parking est aussi un point que nos potentiels clients soulignent et nous avons du mal à conclure des partenariats.

T.C. : On ne pose pas le même constat au coworking de la Grand Poste qui est complet. On a ouvert le Légiapark en septembre 2022, c’est 2 bâtiments qui offrent 30.000 m² et 15.000 m² sont occupés ou en chantier pour l’être, donc c’est plutôt un beau succès. On a aménagé nos espaces de manière plutôt cosy, bien pensés en termes de services mis à disposition des travailleurs. On pense quand-même que le choix des opérateurs et des clients qui viennent sur place est essentiellement basé sur le fait de se retrouver dans un écosystème économique qui est propre à leur activité.
Au sujet des prix, notre constat au niveau de l’équipe immobilière chez Noshaq, c’est que les loyers ne sont pas suffisamment élevés par rapport aux prix des aménagements. Ils ont coûté beaucoup plus cher que prévu avec la crise ukrainienne et du covid. Il n’y a pas encore eu ce saut ou cet effet cliquet du marché qui est fortement attendu car pour l’instant ça plombe fortement la rentabilité des dossiers.

Lorsqu’une entreprise envisage un achat ou un projet d’implantation, la maintenance, l’entretien et la gestion sont-ils également pris en compte dans l’évaluation du prix ?

J.C. : Nous on constate souvent, lors des premiers nettoyages, que certaines choses n’ont pas été prévues et qu’il faut ajouter des prestations qui ne nous avaient pas été demandées au départ et qui occasionnent des frais supplémentaires.

J.-P.B. : En rénovation aussi bien qu’en nouvelles constructions, nous sommes spécialisés en bâtiments peu énergivores et le bâtiment que nous allons livrer à Noshaq début de l’année prochaine va tendre vers le passif. En termes de coûts énergétiques, il y a une réflexion importante qui permet de réduire certains coûts et qui intéresse de plus en plus de clients. Les besoins des clients évoluent : les bâtiments doivent être peu énergivores, équipés de douches, de bornes électriques pour voitures et vélos pour offrir un meilleur confort. Il faut trouver un équilibre entre les souhaits et les coûts.

P.C. : On observe au Val Benoit que les notions de services, le caractère identitaire et la proposition de bâtiments passifs font la différence. C’est un changement culturel qui a sans doute été renforcé avec le covid. Il y a aussi l’intérêt d’occuper un lieu qui a repris vie.

T.C. : Ce qui est dommage, c’est que celui qui tient compte des enjeux écologiques par exemple n’est actuellement absolument pas récompensé.

La réhabilitation semble être une formule qui séduit tant les investisseurs que les utilisateurs, mais n’est-ce pas parfois compliqué à mettre en œuvre ?

P.C. : Une réhabilitation comme le site des ACEC par exemple est un projet assez audacieux qui bénéficie du fonds FEDER et qui va proposer un parc d’activités indoor. C’est un réflexe de circularité qui a tendance à s’imposer dans une série de décisions qui se prennent.

J.-P.B. : La complexité administrative est la hantise de tous les promoteurs. Nous sommes dans une lasagne de règlements qui se percutent les uns les autres et de décisions qui doivent être prises à différents niveaux.

P.C. : C’est un levier, on vient de lancer un appel à projets sur les Ateliers Centraux à Seraing, les premiers terrains Arcelor qui vont avoir une autre vie, et les marques d’intérêt de sociétés privées sont nombreuses pour transformer ces halles en projets. Ce supplément d’âme et le fait que les pouvoirs publics fassent des efforts pour générer l’effet levier en faisant en sorte que ce soit un peu moins compliqué de faire quelque chose qui porte sens sont des avantages qui sont appréciés.

J.-P.B. : Au niveau de la réhabilitation, on conserve des éléments historiques dans nos projets pour créer une identité et faire vivre une expérience aux gens quand ils rentrent dans le bâtiment et les rendent fières d’appartenir à une région, à un terroir. A Verviers, nous devons redévelopper une fierté de terroir.

Dans le projet de la Grande Salle, l’élément patrimonial est central ?

L.B. : Effectivement, lorsque j’ai ouvert la porte de ce bâtiment conçu par Charles Thirion, l’architecte qui a également dessiné le théâtre, j’ai eu l’effet ‘waouh’ et j’ai directement su que j’allais l’acheter, même avant d’avoir vu les salles. Après il fallait réfléchir pour voir ce que je pouvais économiquement faire de ces 300m² de bureaux et c’est là que l’idée de le transformer en business center est née pour avoir une rentabilité sur un coût d’acquisition qui était très correct. Aujourd’hui, le bâtiment a pris une très belle valeur grâce à sa transformation et à la rénovation du quartier.

Chez Silversquare, on mise également sur le supplément d’âme, même si ce n’est pas du patrimoine ancien ?

A.L. : C’est effectivement une patte de chez Silversquare d’avoir cet effet ‘waouh’, avec chaque fois un designer qui décore tous les espaces de coworking et ça c’est vraiment important. Je pense que les gens recherchent du confort mais aussi du confort visuel dans leur travail quotidien.

Est-ce que ça coûte plus cher d’entretenir, d’assurer la maintenance des bâtiments de bureau nouvelle génération ?

J.C. : Pas vraiment, c’est un service différent avec d’autres demandes. Avant c’était une technicienne qui nettoyait et différents corps de métiers qui venaient en fonction des spécialisations. Maintenant on est plutôt sur des contrats multiservices avec la technicienne qui s’est transformée en handyman qui va faire à la fois le nettoyage, l’installation de la salle de réunion, l’entretien des portes, de la climatisation. C’est vraiment d’autres profils qui sont recherchés. Dans les contrats qu’on signe maintenant, il y a beaucoup plus de critères dans le cahier des charges que le prix au niveau du nettoyage. On voit vraiment un changement de marché.

Les tendances sont-elles les mêmes en matière de bâtiments industriels qu’en ce qui concerne les bureaux ?

C.N. : L’énorme majorité des entreprises et l’usage du territoire n’est pas constitué de bureaux. En m², en surface au sol, les bureaux représentent très peu d’espace. Donc je crois que c’est dans les bâtiments industriels des zonings qu’on doit remettre les choses en mouvement et appliquer les principes de la rénovation que l’on utilise pour les bureaux. Aujourd’hui, les terrains en zone industrielle sont à 94€/m² alors qu’il y a 5 ans on était encore à 45.

P.C. : Une offre qui est assez accessible, c’est le recours à des bâtiments-relais. Ça permet à des entreprises de démarrer et d’avoir accès à un écosystème.

Les espaces de coworking ont tendance à être de plus en plus utilisés par des salariés et plus uniquement par des indépendants, va-t-on assister à une modification du marché de l’immobilier de bureaux ?

C.N. : Liège est en retard, mais quand les travaux seront terminés, la situation va se redynamiser et les solutions de coworking comme Silversquare aux Guillemins vont avoir beaucoup plus de succès, c’est une certitude.

T.C. : Nous à la Grand Poste, on a déjà énormément de demandes de sociétés qui veulent revenir en centre-ville et qui sont prêtes à patienter que les travaux du tram se terminent. Le marché est là, les gens utilisent les espaces de bureaux même s’ils les utilisent différemment.

C.N. : En nombre de m², c’est anecdotique, fondamentalement le take-up de bureaux à Liège est de l’ordre de 15.000 annuel et ça ne bouge pas. Les Liégeois entre eux n’ont pas cru à Liège et il y a très peu de privés liégeois qui développent à Liège. Donc ce sont des consortiums nationaux flamands ou bruxellois qui doivent analyser le marché.

Que peut-on espérer pour faire bouger les acteurs ?

C.N. : Il faut du mouvement, c’est le succès qui attire le succès. Quand le centre-ville sera déjà plus attractif au niveau mobilité, on pourra déjà y voir plus clair, mais il n’y a pas encore à ma connaissance de vrais projets de bureaux avec des permis en cours sur l’axe du tram. Donc il faudra encore un certain temps pour que ça se mette en place.

Existe-t-il un cadastre pour pouvoir aider les entreprises qui cherchent un terrain ou des bâtiments où s’installer ? Vers qui doivent-elles se tourner pour obtenir une information pertinente par rapport à un cahier des charges ?

P.C. : La mise à jour permanente de ce genre de base de données n’est pas simple. Nous avons effectivement à la SPI toute une série d’informations. C’est quelque chose qui évolue assez rapidement et on essaye de travailler sur la rapidité de réponse. Pour l’instant on n’a pas de formule magique mais on est conscient que c’est un service qu’on doit absolument améliorer parce qu’il y a une demande. On n’a pas toujours une réponse à la demande exacte que l’on nous fait, mais on peut aussi proposer une autre solution et faire profiter de notre métier d’aménageur du territoire en réorientant les entreprises sur base des données dont nous disposons.

Quel conseil pourriez-vous donner aux entreprises pour être les plus efficaces possible dans le choix de leurs implantations et leurs infrastructures ?

T.C. : Il faut que l’entreprise cible ses besoins. Au moment où l’entrepreneur émet l’idée, il part généralement dans tous les sens. Il faut qu’il chiffre son besoin, qu’il le matérialise, qu’il fasse l’inventaire du nombre de m² concernés par les différentes fonctions qu’il veut accueillir dans son projet, qu’il identifie une zone de localisations qui répondrait à ses attentes. Qu’il prenne la peine de se poser quelques heures pour mettre sur papier l’ensemble de ses besoins avant d’aller voir un bureau de courtage, SPI ou Noshaq. Ce sont des informations précieuses et on se rend compte que les entrepreneurs ont du mal à faire cet exercice de priorisation.

A.L. : J’ai l’habitude, quand une entreprise vient nous trouver en nous demandant un certain nombre de m², de plutôt lui demander de me faire un plan et de m’expliquer comment leurs équipes fonctionnent, si toutes les personnes sont là en permanence etc. Mais ils ont souvent du mal à répondre à ces questions et à visualiser qu’on peut s’adapter de manière hyper flexible et que c’est ça qui est important à l’heure actuelle.

L.B. : Le partage peut être une piste de réflexion. Il y a des TPE par exemple qui peuvent avoir l’opportunité de s’installer chez leur fournisseur principal et de partager une partie d’entrepôt ou de bureaux pour éviter des coûts supplémentaires.

J.-P. B. : Les clients que je rencontre, il y a ce qu’ils savent, il y a ce qu’ils ne savent pas et il y a ce qu’ils ne savent pas qu’ils ne savent pas et c’est souvent ce dernier point qui pose question. Ils ont donc besoin d’un accompagnement, à la fois pour déterminer ce qu’ils recherchent, mais également en matière de conseil fiscal ou bancaire. Chez nous, c’est cet accompagnement qui fait la différence et qui nous permet de tirer notre épingle du jeu et d’avancer. C’est du taillé sur mesure.

J.C. : Il ne faut pas hésiter à investir et prendre rapidement sa décision sinon on peut vite passer à côté. Sur notre bâtiment par exemple, on a dû décider en une semaine et on a été conforté dans notre décision parce qu’il n’y a plus de possibilités dans le zoning des Hauts-Sarts.

C.N. : Ne pas écouter nécessairement son comptable quand il dit achat ou location parce qu’in fine il y a d’autres modèles économiques ou d’autres opportunités qui peuvent convenir. Il faut faire son modèle idéal mais aussi avoir un plan B, C ou D parce que la chance ne vient qu’une fois et qu’il faut pouvoir se décider rapidement et avoir une ouverture d’esprit, une vision globale de son entreprise en ne tenant pas uniquement compte des chiffres bruts.

Parcs d’activité économique de la province de Liège (chiffres SPI 2023)
2.281 entreprises
45.000 emplois environ
2.627,13 ha occupés par des entreprises
160,43 hectares disponibles à la vente
Taux d’occupation des parcs : 94,2%

Le marché de la location de bureaux en province de Liège (chiffres 2022 Cushman & Wakefield)
Loyer moyen : 137€/m²/an
Stock : 564.123 m²
Taux de vacance : 2,64%
Take-up : 9.431 m²

Débat animé par Frédéric Van Vlodorp
Propos recueillis par France Deuse
Photo : Patrick Moriamé

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