
La Foire agricole de Libramont démarre ce vendredi et mettra un focus pendant trois jours sur l’agriculture, particulièrement en Wallonie.
A la veille de cet événement incontournable, CBC Banque & Assurance, partenaire bancaire d’un agriculteur sur deux, a organisé une table ronde sur le monde agricole, rassemblant Anne-Catherine Dalcq (ministre wallonne de l’Agriculture), Michaël Coulouse (aviculteur et producteur de pommes de terre), Benoît Dardenne (consultant au Pôle conseil de la FJA), ainsi que Bernard Keppenne (Chief Economist chez CBC Banque & Assurance).
Il en ressort notamment que face aux bouleversements climatiques et géopolitiques, l’agriculture wallonne est confrontée à un défi de taille, comparable à David contre Goliath. Dans ce contexte, le choix des consommateurs, la diversification et la transmission des exploitations sont déterminants pour assurer la pérennité du secteur.
Selon l’Observatoire CBC mené auprès de 300 agriculteurs en 2024, 77% des sondés ont des craintes quant à l’avenir de l’agriculture en Wallonie.
Phénomène de concentration
En une trentaine d’années, le nombre d’exploitations agricoles a diminué de plus de moitié. En 2023, on comptabilisait ainsi 12.423 exploitations agricoles et horticoles en Région wallonne, soit une perte de 57% depuis 1990. Les crises successives, les changements de politique, l’instabilité des prix ou encore la problématique d’accès à la terre ne sont pas étrangers à cette tendance. Depuis 1990, le secteur agricole a perdu plus de la moitié de ses effectifs.
Le secteur s’est sans cesse professionnalisé au cours des années et, en 2023, 84% des exploitations wallonnes (10.462) avaient une dimension professionnelle contre 56% en 1990. Par ailleurs, les exploitations de grande taille (plus de 100 ha) sont devenues plus nombreuses ces dernières années. En 2023, elles représentaient 17% du parc agricole alors qu’un tiers des exploitations occupent une SAU (surface agricole utile) inférieure à 25 ha. A titre de comparaison, en 1990, ces dernières représentaient 60% des effectifs et les exploitations de grande dimension représentaient alors 2%.
« Ce phénomène de concentration est avant tout lié à des raisons économiques », indique Benoit Dardenne, consultant à la Fédération des Jeunes Agriculteurs (FJA). « Plus les marges bénéficiaires sont réduites, plus le volume de production doit être important. Si le contexte géopolitique actuel a pour effet de réduire les marges, cela conduira inévitablement à accentuer ce phénomène. Les ‘gros’ acteurs ont en effet plus de capacité pour faire face au rachat de petites fermes, particulièrement en Région wallonne où le prix des terres est très élevé. »
Accords de libre-échange : levier ou menace ?
En plus des changements climatiques et ses incidences sur la production agricole et le travail des agriculteurs, ces derniers doivent également faire face à davantage d’incertitude et d’instabilité causées par les conflits (armés, commerciaux) et la concurrence au niveau mondial.
« La remise en cause des échanges commerciaux oblige l’Union européenne de conclure de nouveaux accords commerciaux avec d’autres pays ou régions, comme le Mercosur » explique Bernard Keppenne, Chief Economist chez CBC. « Ces accords sont des sources d’opportunités pour les agriculteurs, mais peuvent également entraîner une concurrence avec une incidence sur les prix et la rentabilité de nos agriculteurs »,
Certains de ces (futurs) accords sont largement remis en cause par la plupart des agriculteurs qui déplorent l’absence d’harmonisation au niveau des normes de production imposées de part et d’autre, renforçant, dans le chef des agriculteurs wallons, un sentiment de concurrence peu loyale.
« L’agriculture wallonne a une grande technicité et capacité d’innovation » ajoute Anne-Catherine Dalcq, ministre wallonne de l’Agriculture. « Elle se trouve aujourd’hui devant de nouvelles opportunités, tout en restant à taille humaine. Face à une concurrence mondiale, notre rôle est de continuer à lui offrir un cadre pour relever les nouveaux défis et assurer l’autonomie alimentaire européenne. »
David contre Goliath
Face à une combinaison inédite du dérèglement climatique, des tensions géopolitiques et des mutations économiques, l’agriculture wallonne se trouve à un tournant décisif.
Pour Michaël Coulouse, aviculteur, producteur de pommes de terre et administrateur d’une société agricole à Hannut, « il faut aujourd’hui trouver des solutions pour aider à la reprise des exploitations familiales. Sans un soutien adapté, nous risquons de voir nos fermes disparaître progressivement au profit de grands groupes agroalimentaires. Il en va de la survie de notre modèle agricole, mais aussi de la diversité de nos paysages, de l’emploi rural et de la qualité de nos produits locaux ».
La diversification des productions agricoles peut aussi constituer une alternative pour assurer l’avenir et la pérennité de l’agriculture wallonne.
Au-delà des structures et des aides existantes pour accompagner les agriculteurs, les choix du consommateur pourront également être un élément déterminant pour le futur de l’agriculture en Wallonie. Plus que jamais, consommer local et responsable devient un acte citoyen qui façonne le modèle agricole de demain et participe à préserver la diversité et la richesse de notre patrimoine agricole wallon.