C’est souvent au travers de petites histoires que s’appréhende le mieux la grande Histoire. A l’occasion du 75èmeanniversaire des accords ‘’charbon’’ entre la Belgique et l’Italie, les éditions du Cerisier publient Déracinés, le récit authentique d’un immigré italien, devenu mineur en région liégeoise à l’aube des années 40. Fidèle plume de CCImag’, Alain Braibant a traduit ce roman d’italien en français aux côtés de son fils, François. Il évoque ce parcours poignant d’un héros ordinaire de l’Histoire.
L’année 1946 a fait date dans l’histoire de l’immigration italienne en Belgique. Ce roman nous rappelle toutefois que de nombreux Italiens sont arrivés bien avant dans notre pays…
A.B. : « En effet. A l’image de Celso – personnage principal de ce roman – de nombreux Italiens sont venus en Belgique durant l’entre-deux-guerres, fuyant la misère et l’Italie fasciste de Mussolini. Des hommes qui n’avaient d’autre objectif que leur survie, et celle de leur famille. »
Déracinés est le parcours d’une vie au cours de laquelle les épisodes douloureux ne manquent pas. Un passage du livre vous a-t-il toutefois particulièrement marqué ?
A.B. : « Je reste impressionné par l’arrivée de Celso à Seraing.
Entre la beauté des montagnes frioulanes qu’il a quittées et la noirceur de certains paysages sérésiens, le contraste est saisissant. L’auteur nous donne à voir et à entendre le bruit épouvantable du tram, la poussière qui recouvre les habitations et les trottoirs. Une vision de désolation anticipant la plongée de Celso dans l’atmosphère suffocante d’une mine d’extraction de charbon. Quel sacrifice.»
Malgré la lourdeur ambiante, tout n’est pas sombre dans ce roman…
A.B. : « Et heureusement ! La solidarité qui existait entre les mineurs sonne ainsi comme un peu de réconfort dans ce quotidien très dur. Un esprit d’entre-aide que l’on peut, notamment, ressentir dans les pages relatant l’accident mortel survenu au charbonnage du Many. »
Qu’est-ce qui vous a donné envie de traduire ce livre ?
A.B. « J’ai passé mon enfance à Jemeppe-sur-Meuse, dans les années 50. Autant dire que j’ai grandi au contact de nombreuses familles de mineurs italiens. Je mentirais en disant que tout était rose. A l’époque, combien d’Italiens ont ainsi dû faire face à un racisme tristement ordinaire. Mais aujourd’hui, nul ne peut ignorer le rôle décisif que ces hommes et ces femmes ont joué dans la prospérité de la Belgique au cours des 30 glorieuses, notamment. Soixante ans plus tard, j’avais envie de témoigner de ma reconnaissance à mes amis d’enfance en partageant une histoire, parmi tant d’autres, de l’immigration italienne. »
FIRMANI Roman, Déracinés, Traduction française d’Alain et François Braibant, Préface de Ferruccio Clavora, Février 2021 – 286 p. – 18 €
Plus d’infos : http://editions-du-cerisier.be/spip.php?rubrique20