Chaque année, face aux difficultés du métier, le nombre d’agriculteurs diminue. Ceux qui persistent s’interrogent sur la nécessité de diversifier leurs activités et de réorienter certaines de leurs cultures. Paralèllement à cette mutation, un courant de plus en plus important prône un retour à une consommation alimentaire plus locale et à des méthodes de production anciennes, abandonnées depuis le développement de l’agriculture intensive. Ce sont les deux ingrédients de la réflexion qui ont conduit à la création en 2018, sur le plateau de Herve, de la société coopérative Histoire d’un grain, un des cinq lauréats choisis par Agri-Innovation en juin dernier.
Plus de trois cents coopérateurs
La société regroupe 310 coopérateurs – agriculteurs, artisans boulangers et consommateurs – dont l’objectif est de créer une filière intégrée de production et de transformation de céréales panifiables de haute qualité. « Du grain au pain », comme l’affirme Renaud Keutgen, un des animateurs de la coopérative. « Nous avons acquis 4 ha de terres sur lesquelles nous essayons différentes variétés de froment, de seigle et d’épeautre. Les grains sont sélectionnés pour leurs qualités nutritives. Actuellement, moins de 8 % de céréales wallonnes se retrouvent dans le pain consommé dans la région. De plus, les moulins wallons représentent à peine 2 % de la meunerie belge ! C’est la raison pour laquelle nous prônons une relocalisation de la filière de production des farines bio. »
Le blé interdit d’exportation
Cela suppose donc le développement de la culture céréalière dans une région agricole vouée essentiellement à l’élevage et à la culture fruitière. Fameuse transformation! « Oui mais il faut savoir que jusqu’au XVIème siècle, le Pays de Herve était une région de cultures. Charles-Quint a interdit aux cultivateurs du plateau d’exporter leurs céréales vers les pays protestants, en particulier vers la Hollande. Les habitants du Pays de Herve ont donc transformé leurs terres en pâturages puis un siècle plus tard sont apparus les vergers. »
Ne craigant pas d’enfreindre ce décret impérial vieux de 500 ans, la coopérative s’est installée à Soumagne en 2020. Elle y exploite deux moulins et produit de la farine au moyen de deux meules sur pierre, une technique ancestrale, déjà utilisée à l’époque néolitihique, qui s’est évidemment améliorée au fil du temps. « Cette méthode traditionnelle permet d’obtenir une farine beaucoup plus riche en vitamines et en minéraux », précise Renaud Keutgen.
Pas plus d’une journée de cheval !
La farine est vendue aux particuliers, dans certaines épiceries et aux professionnels, des artisans boulangers, passionnés par leur métier et désireux de proposer un pain de qualité. « La coopérative produit actuellement 100 tonnes de farine complète et semi-complète par an et l’obectif est d’arriver à 400 tonnes. C’est la taille critique. Nous préférons la qualité à la quantité. L’argent n’est pas notre principale motivation. C’est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas nous étendre au-delà du Pays de Herve, « à une journée de cheval » de Soumagne. Les boulangeries qui adhèrent à la coopérative sont situées à Magnée, Soumagne, Tilff, Mehagne et Verviers. »
Les pains produits avec la farine d’Histoire d’un grain sont des pains au levain dont la fermentation lactique augmente considérablement la valeur nutritive et diététique. « Le levain permet aux glutens d’être facilement assimilables par l’organisme. Même des personnes atteintes d’une forme grave d’intolérance aux glutens mangent du pain au levain. », peut-on lire sur le site de la coopérative. Toujours bon à savoir !
Histoire d’un Grain, 36, rue de la Chapelle à Soumagne
Boulangeries :
Pomme de pain (Magnée)
Boîte à pain (Soumagne)
Croûte alors (Soumagne)
Vent de terre (Tilff et Mehagne)
Conradt (Verviers)