Chaque année, l’Institut de l’entreprise familiale sonde l’univers des entrepreneurs familiaux au travers d’une étude. Commandée à Nathalie Crutzen, professeure à HEC-ULg, la dernière enquête du genre s’est penchée sur l’externe dans l’entreprise familiale. Les résultats obtenus se basent sur l’analyse de questionnaires envoyés à plus de 3.000 entrepreneurs familiaux belges francophones.
- Premier constat : l’externe reste minoritaire. 38 % des entreprises familiales francophones ont engagé un manager externe alors que 62 % ne se sont pas lancées dans cette aventure. 54 % des répondants n’ont pas le projet d’en engager un.
- Plus l’entreprise est grande (CA/emplois) plus elle aura tendance à avoir un ou plusieurs externes.
- Parmi les EF qui ont déjà engagé un manager externe, 62 % des répondants ont un diplôme universitaire alors que, dans l’autre groupe, ils ne sont que 40 % à en avoir un.
- L’implication du conjoint du propriétaire-dirigeant dans l’EF est un facteur bloquant pour l’engagement de l’externe ! Parmi les répondants qui n’ont pas engagé un manager externe, 55 % travaillent avec leur conjoint(e) dans l’EF (dans l’autre groupe, ils ne sont que 36 %).
A quel poste engager son externe ?
Le hit-parade des fonctions proposées aux externes est : la direction commerciale (76 % des cas), la direction de la production (70 % des cas), la direction du personnel (50 % des cas), la direction financière (45 % des cas), la direction administrative (34 % des cas) et la direction générale (31 % des cas). Laurent Weerts, administrateur délégué de l’IEF, mentionne que le CFO arrive en fin de course car il faut pousser les ventes et s’assurer que la production suive. En général, l’entreprise familiale connaît bien son produit mais peut parfois éprouver des difficultés pour le vendre… La finance vient après car l’EF s’en sort avec un expert-comptable externe… Nombres d’EF fonctionnent très bien avec le dirigeant familial, un directeur des ventes et un directeur de production. La GRH est assurée par l’épouse et la finance par un expert-comptable indépendant. La finance est, en général, confiée à un directeur financier quand l’entreprise atteint une certaine taille.
Quand engager un externe ?
Les deux-tiers des répondants ont engagé un externe pour supporter la croissance de l’entreprise (croissance pour laquelle elles ne disposaient pas, en interne, de membres familiaux pour assumer la fonction de direction à pourvoir)
Impact de l’externe
Le manager externe a des effets positifs sur l’EF notamment au niveau de l’amélioration de la performance (92 % des répondants), de la professionnalisation de la gestion (78 % des répondants), et d’une gestion plus objective et plus rigoureuse (72 % des répondants). L’externe peut générer certains effets indésirables : tensions au sein du personnel de l’entreprise (2,41 %) et, dans une moindre mesure, au sein des membres de leur famille (2 %).
Une écrasante majorité des EF qui ont engagé un manager externe compte le garder (87 % des répondants). Dans le cas contraire, les EF se justifient en invoquant des problèmes de compétences (il/elle ne convient plus) ou des problèmes d’âge (il/elle sera prochainement admis à la retraite). La moitié des répondants comptent engager d’autres managers externes dans le futur.
En dépit de la crise financière, les EF ont continué à recruter des managers externes dans toutes les fonctions de direction, à l’exception d’une seule : la direction financière. Pendant la crise, spécifie Laurent Weerts, le financier est mis sous pression mais la finance, c’est la fin de la chaîne… En cas de chute des ventes, l’entreprise change soit son vendeur, soit son technicien si les problèmes sont liés à la qualité, l’attractivité des produits. Sans vente, sans bon produit, pas besoin d’un bon financier. Il est donc logique, en cas de crise, de ne pas changer le financier, principalement quand il doit rencontrer les banques et les investisseurs ou encore participer au plan de restructuration éventuel pour faire face à cette crise.
Pourquoi certaines EF n’ont-elles jamais engagé d’externes ?
Les 62 % d’entreprises familiales qui n’ont jamais tâté de l’externe justifient leur choix par plusieurs raisons. D’abord, elles sont trop petites (48 %). Ensuite, 38 % craignent la perte de pouvoir.
Et l’IEF de conclure par une série de recommandations :
- L’intégration d’un externe n’est pas une chose facile, l’entreprise doit y être préparée.
- Le dirigeant doit apprendre à déléguer et à laisser de la place. Il doit aussi transmettre les codes et préciser les critères de décision de l’entreprise.
- Les travailleurs et le management doivent être préparés. L’IEF recommande une période de socialisation/transition (surtout pour une fonction de CEO) afin que l’entreprise et l’externe s’apprivoisent progressivement.
- Il faut également définir clairement les droits et les obligations de chaque partie. En particulier, clarifier dès le départ les règles du jeu concernant la possibilité de la copropriété (ne pas créer des déceptions ou malentendus).
- Le temps est un ingrédient du succès pour permettre à l’externe d’être en phase avec les valeurs et la culture de l’entreprise.
- En conclusion, lorsque l’entreprise a une certaine taille ou manque de certaines expertises importantes, l’externe est un investissement qui vaut le coup. Il permet de professionnaliser l’entreprise, de la rendre plus performante et d’augmenter sa « valeur ».